19 octobre, 2007

« Dans cinq ans, les fonds souverains géreront 5.000 milliards de dollars »

STEFFEN KERN - RESPONSABLE DE LA POLITIQUE DES MARCHÉS FINANCIERS INTERNATIONAUX À LA DEUTSCHE BANK

Pékin vient de lancer son agence d'investissement public. De plus en plus d'Etats montent des structures similaires. Combien pèsent aujourd'hui ces fonds ?

Au total, les fonds souverains gèrent actuellement 3.200 milliards de dollars sur la planète. Si l'on ajoute à ce montant le fonds chinois de 200 milliards de dollars, qui est en cours de lancement, et le fonds de l'Etat russe annoncé pour début janvier 2008, on obtient une somme supérieure à 3.400 milliards de dollars. Nous pensons que cette industrie ne va cesser de croître et qu'elle pourrait atteindre 5.000 milliards de dollars dans cinq ans.
Est-ce considérable par rapport aux autres investisseurs institutionnels ?

Oui et non. Ces fonds contrôlés par des Etats gèrent actuellement plus de deux fois plus d'actifs que les « hedge funds », mais encore sept fois moins que les fonds d'investissement privés, qui contrôlent 21.000 milliards de dollars d'actifs. Ces chiffres montrent que les craintes propagées aux Etats-Unis et en Europe sur la taille des fonds souverains sont un peu exagérées.
Les capitales occidentales semblent en effet se méfier de ces fonds souverains et notamment du fonds chinois. Est-ce justifié ?

Tous ces fonds ont des stratégies différentes. Certains se montrent extrêmement passifs et délèguent l'essentiel de leurs investissements à des professionnels. D'autres cherchent, effectivement, à prendre position dans des entreprises. Pour ce qui concerne le fonds chinois, les craintes sur une éventuelle stratégie d'investissement agressive semblent exagérées. Les autorités de Pékin ont souligné que le fonds poursuivrait des objectifs financiers. Il y a un grand intérêt du public autour de ce fonds et les marchés financiers vont suivre ses activités attentivement. Par conséquent, il y aurait peu de place pour des investissements politiques. Et il n'y a aucun signe de telles intentions.
Dans tous les pays occidentaux, le protectionnisme semble revenir à la mode. Pékin a-t-il choisi un moment opportun pour inaugurer sa structure ?

Le protectionnisme n'est pas un bon outil politique - et cela s'applique également aux fonds souverains. Trop de responsables occidentaux voient ces fonds orientaux ou asiatiques comme des menaces pour nos industries alors qu'ils peuvent représenter un afflux important de capitaux frais. Pour être mieux acceptés, ces fonds vont toutefois devoir faire des efforts de transparence. Les marchés financiers connaissent mal leur stratégie et leur fonctionnement. Ce manque d'information peut stresser les intervenants sur le marché et pourrait ainsi - dans des conditions difficiles - représenter un risque pour la stabilité des marchés financiers.
Que peuvent-ils faire ?

Ces fonds peuvent améliorer activement leur propre transparence. Le fonds norvégien (GPFG), qui communique régulièrement sur ses actifs et sa stratégie, en est un excellent exemple. Il est maintenant parfaitement accepté par les marchés. Ce n'est pas seulement bon pour les marchés, mais également pour le fonds lui-même.
Les Echos 17 octobre 2007

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