28 juin, 2007

L'immobilier américain et ses nouvelles courroies de transmission

Le marché immobilier américain inquiète. Plus précisément, son secteur bas de gamme, dénommé par un élégant euphémisme de « sous-prime » (« subprime »). Seul un cinquième environ des prêts résidentiels américains relève de ce secteur. Il pourrait sembler incongru qu'une composante aussi mineure de l'économie américaine ait la capacité d'affecter l'ensemble des marchés financiers mondiaux, comme on l'a dit lors des secousses boursières du mois de mars. Le paradoxe n'est cependant qu'apparent. Le fait que les analystes financiers s'accordent unanimement quant au nom du coupable s'explique par le fait qu'un chemin tortueux, mais clairement délimité, connecte la santé des marchés financiers dans leur ensemble à ce secteur à première vue ésotérique.

L'immobilier sous-prime constitue un détonateur à deux titres : d'une part en tant que partie la plus exposée du secteur immobilier résidentiel, d'autre part du fait du rôle qu'il joue en tant que composante d'un instrument financier stratégique, le fameux CDO (« collateralized debt obligation »). Peu après la Seconde Guerre mondiale, l'immobilier résidentiel américain est entré dans un régime de bulle financière chronique en raison de son double système de subventions : l'exemption d'impôt dont bénéficient les intérêts et l'aide au financement orchestrée par des organismes mixtes spécialisés, les « government sponsored entities » (GSE). Les propriétaires d'un logement se sont habitués au fait que sa revente débouchait automatiquement sur une plus-value considérable. Même en l'absence d'une revente, les organismes de prêt les ont encouragés à tirer parti du capital s'accumulant rapidement du fait de la montée des prix, en leur accordant des prêts dont le collatéral, le bien mis en gage, était précisément cette plus-value non réalisée. Dans un contexte où le taux d'épargne des ménages est tombé à zéro, la bulle de l'immobilier résidentiel a ainsi permis de dégager des fonds que les Américains ont principalement consacrés à l'achat de biens de consommation produits surtout en Extrême-Orient.

La manière dont les organismes prêteurs s'y sont pris pour renouveler les fonds qu'ils consacraient au prêt au logement fut la titrisation, où plusieurs milliers de prêts individuels sont agrégées sous forme d'obligations, les « mortgage backed securities » (MBS). Ces MBS sont vendues au public, redistribuant la dette parmi l'ensemble des investisseurs. Le montant des MBS émises dépasse aujourd'hui celui des « Treasuries », les obligations d'Etat américaines (5.200 milliards de dollars contre 4,9). On retrouve sans surprise les banques centrales japonaise, chinoise et sud-coréenne aux premiers rangs de leurs détenteurs.

Le système s'enraye lorsque le prix des maisons cesse de grimper. Le coup d'arrêt a eu lieu en 2006. Une amorce de baisse est intervenue en 2007. Les jeunes générations ainsi que l'immigration récente se sont révélées dans l'incapacité de réunir les sommes extravagantes nécessaires désormais à l'achat d'une maison. Le recrutement s'est interrompu, au corps défendant des organismes financiers qui, conscients de la situation, firent preuve d'une immense créativité en matière de réduction du montant des paiements mensuels. Ils ont prolongé des périodes d'amortissement de trente à quarante, puis cinquante ans, repoussé le remboursement du principal d'un certain nombre d'années, éliminé l'exigence d'un apport personnel, introduit des taux d'intérêt promotionnels d'un niveau si faible que le montant du prêt augmente au fil des années au lieu de se réduire, etc. Rien n'y fit puisque la bulle enflait inexorablement. C'est sans surprise que l'on observe aujourd'hui que ce sont les derniers entrants, les bénéficiaires des formules de prêt les plus « créatives », qui sont les premières victimes des saisies, l'immobilier en crise ayant cessé d'offrir la solution de dernier recours consistant à revendre la maison pour rembourser le prêt obtenu.

Les emprunteurs du secteur sous-prime, familier des pratiques dites de « prêt rapace » et caractérisées par des taux d'intérêt très élevés, sont, de manière disproportionnée, des membres de minorités ethniques - Noirs, Latino-américains et Amérindiens. Or ces prêts sont, eux aussi, titrisés au côté des prêts automobiles et des découverts sur cartes de crédit, sous la forme d'« asset backed securities » (ABS). Consentis à des ménages aux moyens modestes, ces prêts sont en première ligne des défaillances lorsque le contexte économique se détériore. Le taux de défaillance actuel de 13 % est inquiétant à un second titre, en tant qu'annonciateur de ceux qui pourraient bientôt affecter les prêts « créatifs » du marché « prime ». Le rôle stratégique de déclencheur de la crise naissante, joué par le secteur sous-prime intervient ailleurs : le marché des capitaux a pris l'habitude d'introduire de vastes quantités de prêts sous-prime, où ils servent de réserve, dans les CDO dont les investisseurs sont friands à l'étranger comme aux États-Unis.

Les commentateurs avancent que le risque systémique d'un effet domino dans les marchés financiers où chaque faillite en entraîne d'autres à sa suite, s'est amenuisé du fait de la titrisation de la dette. Or, si elle a permis en effet une redistribution fine du risque, rien n'indique que celui-ci ait effectivement été redistribuée, éparpillée. Tout indique au contraire qu'un petit nombre de banques centrales, de fonds de pension, de compagnies d'assurance et surtout de « hedge funds », ces officines financières spécialisées dans les placements de grandes fortunes, ont concentré ce risque entre leurs mains.

Le secteur immobilier américain sous-prime est constitué de ménages dont l'accès à la propriété est problématique du fait de leur capacité marginale à s'acquitter des charges financières associées. L'ironie de la situation qui s'est aujourd'hui instaurée est que, par le biais des CDO, et du fait de la concentration de celles-ci entre les mains des « hedge funds », une voie de communication directe existe désormais entre les déboires des ménages aux revenus modestes et la dépréciation du portefeuille des plus fortunés.

Les Echos 18 juin 2007, PAUL JORION est auteur de « Vers la crise du capitalisme américain ? » (La Découverte, 2007)
POUR ALLER PLUS LOIN

27 juin, 2007

Pourquoi les concurrents d'EDF seront plus chers

Les concurrents d'EDF s'approvisionnent pour l'essentiel sur le marché international à un prix supérieur de 30 à 40% au coût de revient de l'électricité d'EDF, qui est l'un des plus bas d'Europe, grâce au nucléaire. Tôt ou tard, il seront donc obligés de remonter fortement leurs tarifs s'ils veulent gagner de l'argent. (...)

Depuis 2001 et l'ouverture à la concurrence pour les entreprises, les prix ont augmenté de 75%, à tel point que les entreprises ont obtenu le privilège de revenir temporairement, si elles le souhaitent, à un tarif réglementé.
Source: Capital juillet 2007

25 juin, 2007

Un TGV transalpin très contesté

Soutenue par les collectivités locales ainsi que par les gouvernements de Paris et de Rome, la liaison TGV Lyon-Turin suscite une très forte opposition dans la vallée de Suse, où doit déboucher le tunnel du côté italien. Les promoteurs du projet se révèlent incapables d’en justifier le bien-fondé. Le chantier est paralysé.



C’est en 1987 qu’a été avancée l’idée d’une liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin, permettant à la fois le transport des passagers et le ferroutage, de manière à désengorger les deux principales voies d’accès routier de la France à l’Italie que sont les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus. La décision de lancer ce projet fut prise par les gouvernements français et italien en 2000 ; le chantier inauguré en mars 2002, et le cadrage financier définitif fit l’objet d’un accord signé en mai 2004. Il prévoyait une répartition des charges entre les deux pays, avec l’aide de l’Union européenne, pour un coût total de 13 milliards d’euros. Cette nouvelle voie transalpine implique le percement d’un tunnel de cinquante-trois kilomètres entre Saint-Jean-de-Maurienne et Venaus dans la vallée de Suse, à soixante kilomètres de Turin.

Du côté français, ce « chantier du siècle » est fortement soutenu par toutes les forces politiques de la région Rhône-Alpes (à l’exception du Front national) et tout particulièrement par les habitants des vallées de Chamonix et de la Maurienne, qui suffoquent sous l’effet des gaz d’échappement des camions. Pour les autorités provinciales du Piémont, pour la ville et les milieux économiques de Turin, cette liaison serait le prolongement naturel de la ligne TGV en cours de construction avec Milan. A terme, des trains à grande vitesse relieraient Lyon à Turin, Milan, puis Vérone, Trieste et la Slovénie.

Cette vision grandiose se heurte cependant à l’hostilité des habitants de la vallée de Suse, qui ont multiplié les manifestations contre le projet. Le 17 décembre 2005, ils ont été des dizaines de milliers à descendre dans la rue à Turin. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de défendre l’environnement d’une vallée que traversent déjà deux routes nationales, une autoroute, une ligne électrique à haute tension et une ligne ferroviaire. Il s’agit, à l’aide d’argumentaires techniques précis, de démontrer le caractère, selon eux, aberrant de cette opération.

Dans la partie la plus haute de la vallée de Suse, la capacité de la ligne ferroviaire pourrait atteindre, d’après les estimations, entre vingt et trente millions de tonnes par an. Or, actuellement, le flux de marchandises n’est même pas de sept millions de tonnes. Par ailleurs, aussi bien en France qu’en Italie, le fret par train n’a cessé de baisser depuis au moins quatre décennies. Selon un rapport de l’inspection générale des finances et du conseil général des Ponts et Chaussées de mai 2006, c’est même le fret en général, route et rail combinés, qui « stagne ou décline » entre la France et l’Italie, de Vintimille au Mont-Blanc. Et même dans la vallée de Suse, le transport ferroviaire est en baisse depuis neuf ans.

En revanche, dans l’axe Nord-Sud, entre l’Italie et l’Europe centrale via la Suisse ou l’Autriche, le transport des marchandises par le rail est en forte augmentation. C’est sur cet axe, et non pas sur l’axe Est-Ouest, que devrait se développer la demande en raison de la croissance attendue des échanges avec l’Asie orientale à travers la Méditerranée, à partir notamment des ports italiens et français. Dans les six prochaines années, deux nouveaux tunnels suisses reliant la plaine du Pô à l’Europe centrale devraient entrer en service, portant ainsi la capacité du transport ferroviaire de marchandises à 150 % du trafic actuel à travers la vallée de Suse et le val d’Aoste.

Par ailleurs, ni l’Italie ni la France, contrairement à la Suisse, n’ont encore pris de mesures sérieuses pour endiguer le déclin du fret ferroviaire ou pour limiter le transport routier. Ce n’est que tout récemment que ce dossier fait l’objet d’un examen. Enfin, les financements nécessaires à la réalisation du nouvel ouvrage seraient uniquement publics, et le retour sur investissement, évalué par un audit du gouvernement français en 2003, a été jugé insuffisant, au point de considérer le projet comme non prioritaire.

Paris a cependant passé outre en raison des pressions italiennes et de la décision du gouvernement de M. Silvio Berlusconi d’assumer 63 % du coût des travaux, c’est-à-dire plus que le résultat d’une clé de répartition géographique.

Rome continue néanmoins d’affirmer que le tunnel entre la vallée de Suse et la Maurienne est « indispensable », « très urgent », « prioritaire ». Les seules réponses fournies pour tenter de disqualifier les argumentaires chiffrés des opposants au projet sont le « progrès », les « risques d’isolement », l’« exigence européenne », l’« utilité future », etc. Impossible de trouver un seul décideur en mesure de sortir du flou face à la réalité du problème. En revanche, est brandi le « droit de décision » du « politique » comme si qui que ce soit avait intérêt à remettre en cause un tel droit ou était même en mesure de le faire.

Sans faire appel à des instruments d’analyse sophistiqués, le bons sens même devrait conduire à la stratégie suivante :

— prendre des mesures visant, d’une part, à décourager le transport routier et, d’autre part, à encourager le rail ; améliorer le matériel ferroviaire et le système logistique ; consolider la fiabilité du rail ;

— vérifier l’efficacité de ces mesures ;

— à partir du moment où les flux de marchandises commenceraient à augmenter, l’analyse du taux de croissance constaté et de la capacité de la ligne actuelle permettraient de fixer un niveau de saturation qui, de toute manière, ne serait pas atteint avant des décennies ;

— ainsi anticipée, la saturation pourrait être évitée ou contournée à l’aide d’interventions, y compris structurelles.

En Italie, au lieu d’accepter un débat contradictoire de qualité, les décideurs ont mis en avant l’intérêt de grands travaux, sans se préoccuper de leur coût financier, social et environnemental, et encore moins de leur bien-fondé. Des chantiers avant tout ! Les entreprises ayant été sélectionnées en l’absence de tout appel d’offres, les frais prévus sont de trois à six fois supérieurs à ceux de travaux analogues effectués n’importe où ailleurs en Europe.

Depuis des années, le débat sur le TGV Lyon-Turin est verrouillé par une censure bien plus efficace que celle de certains régimes dictatoriaux. On interdit au public l’accès aux études sérieuses disponibles, qui remettent en question l’intérêt du tunnel. La communication officielle relève de la pure propagande. La question du TGV dans la vallée de Suse, et plus largement en Italie, est devenue un enjeu démocratique. Elle reflète le malaise et les mauvais fonctionnements du système politique italien.
Angelo Tartaglia, Le Monde Diplomatique Mai 2007

Gouvernement Fillon 2. Laporte des casinos

Il est tout jeune, il est tout beau, empreint d’ouverture et d’humanisme, c’est le second gouvernement du président Sarkozy. En immersion dans ce Fillon 2, nous avons dégotté de belles histoires sur quelques nouvelles têtes : Laporte et sa passion pour les casinos, Bockel le nouveau transfuge, Lagarde et ses amis, Novelli et feu son ami, la verte NKM... Et à tout seigneur tout honneur, le nouveau secrétaire d’Etat aux Sports ouvre le bal.

Il y a deux ans, la patronne du casino de Gujan-Mestras (Gironde) défraye la chronique de l’été sur le bassin d’Arcachon. Faute d’obtenir du ministère de l’Intérieur l’autorisation d’installer des machines à sous, l’établissement est promis à une mort certaine. En bloquant les routes et multipliant les manifs sauvages, les quelques vingt-cinq employés du casino cherchent à alerter Sarko, alors 1er flic de France, en vacances dans la région. Peine perdue. C’est à ce moment que Frédérique Ruggieri, la patronne du casino est approchée par un ami illustre du futur président, un certain Bernard Laporte, connu du grand public pour exercer la fonction d’entraîneur de l’équipe de France de Rugby. « Il est venu m’assurer que j’aurais sans aucun problème mes licences de jeux… à condition que je lui cède la moitié de mes parts », se souvient-elle encore éberluée par l’indécente proposition. « Je l’ai envoyé au pelote », explique-t-elle.

Bernard Laporte

Deux ans plus tard, elle n’a toujours pas eu l’autorisation du ministère de l’Intérieur d’installer les 50 machines à sous auxquelles elle a droit. Même après avoir fait l’objet d’une enquête positive des RG de la section « courses et jeux » ! Décidément, voilà le futur secrétaire d’État aux sports (après la Coupe du monde de septembre prochain a promis Sarko) très influent ! Et pas seulement sur les pelouses mais également sur les tables de jeu.

Au sein de l’Ovalie, peu de fans savent que leur coach préféré donne aussi dans les casinos. Il ne s’en vante pas. Pourtant, cette passion pour les plaques et les jetons remonte à un peu plus de dix ans. En 1996, Bernard Laporte acquiert en effet deux casinos sur la côte atlantique, à Mimizan et Biscarosse. Officiellement, ses associés sont deux anciens internationaux de rugby, William Téchoueyres et Philippe Saint-André, et une famille corse les Guidicelli. Rapidement, ils jettent leur dévolu sur un troisième établissement à Lacanau. Mais, là, Bernard Laporte n’arrive jamais à obtenir sa licence de machine à sous, indispensable à la rentabilité d’un établissement de jeux. Le ministère de l’Intérieur du gouvernement Jospin bloque. Après avoir pris connaissance du rapport d’enquête très défavorable des RG. Que disent nos amis des courses et jeux ? Trois choses. Primo, les premiers casinos de Biscarosse et Mimizan sont mal gérés, deuxio, l’origine des fonds utilisés pour acquérir le casino de Lacanau n’est pas très clair. D’où vient le soupçon ? D’une amitié très encombrante du futur secrétaire d’État au sport avec une figure très connue du Milieu, Robert Fargette dit « Ptit Bert ». Amateur de ballon ovale, le frère de Jean-Louis Fargette, parrain du Var, abattu dans un règlement de comptes en 1993 est alors un grand pote de Laporte. Il passe beaucoup de temps dans les vestiaires du Stade Français, le club qu’entraîne alors Laporte.

Bernard Laporte s’associe même avec la famille Fargette pour monter un restau à Paris, « les Princes » (ça ne s’invente pas). Officiellement, l’argent de la pègre n’intervenait pas dans le tour de table du casino de Lacanau. Mais, chez les RG on est toujours très prudent. Les officiers conseillent alors amicalement à Laporte de ne pas faire de vieux os dans le jeu. Il revend ses trois casinos en juillet 2000. Quatre mois plus tard, « P’tit Ber » était abattu par deux motards à la sortie d’un bar de La Valette…

Mais voilà, depuis ces années noires, Laporte a fait ami-ami avec Sarko, toujours attiré par ce qui brille dans le show-biz ou dans le sport. Le coach des Bleus est même un de ses protégés. Coïncidence ? La place Beauvau ne voit aucun inconvénient, en fin d’année dernière au retour du pote du ministre de l’Intérieur dans le secteur du jeu. Fin 2006, Bernard Laporte a acquis 33 % du capital du casino de Saint-Julien-en-Genevoix, à la frontière suisse… Un ministre casinotier ? La situation est sans nul doute inédite dans la Vème République. Il est vrai que le futur secrétaire d’État au sport a changé d’entourage. « P’tit Ber » n’est plus de ce monde. Laporte copine maintenant avec une vieille connaissance de Bakchich : l’ancien porte-serviette du clan Zemmour, reconverti en brasseur d’affaires et d’infos frelatées, le désormais célèbre Marc Francelet !

L’ami Marco, qui vient juste de sortir de deux mois à Fresnes pour différentes malversations présumées par le juge Courroye. Bref, le futur nouveau secrétaire d’État continue d’être bien entouré…
Bakchich 22 juin 2007

Législatives : contestations autour des machines à voter à Aulnay-sous-Bois.

Le 17 juin dernier, le maire d'Aulnay-sous-Bois, Gérard Gaudron est devenu député de la 10 e circonscription de Seine-Saint-Denis, en remportant 50,98 % de suffrages au second tour des élections législatives. Le résultat du scrutin fait aujourd'hui l'objet d'un recours en annulation déposé devant le Conseil constitutionnel par un collectif local, AulnayCitoyen.

Au centre de cette contestation : l'utilisation des machines à voter électroniques, déjà vertement critiquées lors de la présidentielle. Les plaignants affirment avoir relevé de nombreuses irrégularités. « Nous avons constaté que l'état des machines mises à disposition dans les bureaux de vote n'était pas conforme aux certificats d'agrément délivrés par la ministère de l'Intérieur , explique Hervé Suaudeau, président du collectif. Pour les électeurs non-voyants, un dispositif d'assistance audio devait être mis en place sur chaque machine, ce qui n'était pas le cas. »

Un sénateur UMP veut interdire les machines à voter

Par ailleurs, le jour du scrutin, des électeurs ont pu relever qu'ils étaient dans l'impossibilité de vérifier la nature des scellés présents sur les machines, affirme le porte-parole d'AulnayCitoyen. Enfin, faute d'avoir été suffisamment bien formées, les personnes responsables des bureaux de vote n'ont, semble-t-il, pas été capables - à deux exceptions près sur 38 bureaux de vote - de délivrer des tickets d'incidents et d'événements relatant la vie de la machine à voter depuis sa mise sous scellés jusqu'au jour de l'élection.

Dans les deux cas où cela a été possible, AulnayCitoyen affirme dans un communiqué avoir noté des « opérations suspectes (allumage et extinction de la machine) effectués de manière répétitive et sans justification ».

Parallèlement au recours déposé par le collectif AulnayCitoyen, le sénateur-maire de Pavillon-sous-Bois, Philippe Dallier, qui s'était désisté entre les deux tours face à Gérard Gaudron, va déposer une proposition de loi visant à interdire l'utilisation des machines à voter.

Sur la question de la sécurité des systèmes utilisés, « rien ne permettra jamais de garantir que la sincérité du scrutin est préservée. Ni les pannes inhérentes à tout système informatique, ni le risque de malversation ne pourront jamais être ramenés à zéro », indique le sénateur Dallier dans un communiqué.
01Net 22 juin 2007

19 juin, 2007

La TVA sociale anti-délocalisation anti-chomage non inflationniste qui va faire payer les méchants étrangers

La TVA sociale fait la une de l’actualité. Jean Arthuis défend l’idée depuis de nombreuses années, Nicolas Sarkozy et François Fillon la reprennent à leur compte et semblent vouloir avancer sur le dossier après 2008. D’où ce petit billet, pour avancer dans la compréhension du problème.

Le mécanisme dit de TVA sociale consiste à basculer une partie du financement de la Sécurité sociale des entreprises vers les ménages, via une baisse des cotisations patronales et une hausse simultanée de la taxe sur la valeur ajoutée. Du point de vue des finances publiques, ça ne change rien, il s’agit de financer d’une nouvelle façon la protection sociale. Croire que cela permettra de couvrir automatiquement les nouvelles dépenses du gouvernement est donc erroné, ou alors ce sera au détriment du financement de la sécurité sociale. Ce qu’en attend le gouvernement, en fait, c’est plutôt un avantage en termes de compétitivité – prix, que le journal Le Monde explique ainsi, reprenant sans doute l’argumentation de nos dirigeants : le « transfert de charges permettrait d'alléger le coût du travail en France, de taxer davantage les produits importés, notamment ceux en provenance des pays à bas coûts, tout en favorisant les exportations ». Cette présentation appelle déjà quelques commentaires :
* sur le premier point, effectivement, on aura automatiquement une baisse du coût du travail suite à la baisse des cotisations patronales,
* sur le deuxième point, en revanche, la présentation est fortement biaisée : on ne taxe pas « les produits importés, notamment ceux en provenance des pays à bas coûts » (j’adore ce « notamment ceux en provenance des pays à bas coûts »…), on taxe tous les produits. On attend simplement de la baisse du coût du travail un gain en terme de compétitivité prix pour les entreprises installées en France,
* sur le troisième point, idem, la baisse du coût du travail doit permettre aux entreprises qui exportent d’être plus compétitives en prix.
Bref, ce n’est pas une TVA sociale, c’est une TVA anti-délocalisations, comme nous le dit notre premier ministre. Cependant, pour que cela fonctionne,nous dit Jean-François Copé, il faut que "les entreprises jouent le jeu" et "baissent leurs prix" ; ce à quoi François Fillon ajoute : cette "TVA anti-délocalisations" ne serait pas appliquée si elle entraînait une hausse des prix pour les consommateurs. "L'essentiel, c'est de trouver des mécanismes qui nous assurent qu'il n'y aura pas d'augmentation des prix. Si la 'TVA anti-délocalisations' se traduisait par une augmentation des prix, alors naturellement elle n'aurait pas de sens et nous ne la mettrions pas en place". (je serais plus prudent : il est tout à fait possible que cette mesure n’ait pas de sens économiquement, mais qu’elle ait du sens politiquement, donc que le gouvernement la mette en place).

Quelques remarques sur les effets attendus.

suite

18 juin, 2007

La France autorise le maïs génétiquement modifié de Monsanto

Alain Juppé, ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables et Christine Lagarde, ministre de l'Agriculture et de la Pêche ont annoncé avoir « pris acte » de l'avis rendu par la commission du génie biomoléculaire selon lequel « il n'y a pas à ce jour d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation environnementale du maïs Monsanto dit MON810 ». La France a donc décidé de ne pas instituer de moratoire sur cet organisme génétiquement modifié. Pourtant, fin avril, le ministre allemand de l'Agriculture avait choisi, à l'inverse, de suspendre le même maïs MON810, en arguant de son caractère toxique. L'Autriche et la Hongrie ont également décidé d'un moratoire.

Mauvais augure

Le cas de cet OGM est complexe car il a été autorisé, il y a 10 ans, dans le cadre de l'ancienne directive sur les organismes génétiquement modifiés. Sa culture est donc théoriquement libre, environ 25.000 hectares auraient été plantés sur le sol français au printemps. Une statistique incertaine en l'absence de registre français des cultures OGM. Les associations françaises de défense de l'environnement demandaient au gouvernement de couper les plants avant la floraison, de manière à éviter tout problème de dissémination des gènes dans la nature. Alors que le gouvernement français a promis d'entamer un dialogue de fond avec les associations dans les mois qui viennent dans le cadre du « Grenelle de l'environnement », cette décision apparaît de mauvais augure pour les défenseurs de l'environnement.

Les Echos 15 juin 2007

L'affaire Danone-Wahaha illustre les risques des entreprises mixtes en Chine


Compagnies illicites, bénéfices clandestins, accusations de "tyrannie"...: le décor semble planté pour un thriller mais il sert en fait de fond à la dispute entre le géant français de l'alimentaire Danone et son partenaire chinois, illustrant les risques des affaires en Chine.
L'affaire Danone-Wahaha a vu les deux partenaires d'une florissante coentreprise sino-étrangère fondée en 1996 se déchirer sur la place publique ces dernières semaines.
Mais pour un exemple médiatisé, combien d'autres divorces acrimonieux de ces couples mixtes? Beaucoup, à en croire le milieu étranger des affaires.
"Nombre de sociétés ayant des partenaires chinois cherchent à en réduire l'influence. Pour moi d'ailleurs, il n'y a plus de raison de s'associer", dit l'Australien Mic Mittasch, plusieurs fois "divorcé" et aujourd'hui à la tête d'une entreprise 100% étrangère fabriquant des chaînes de production.
Danone aimerait bien lui aussi faire cavalier seul, et se séparer tout à fait de son turbulent compagnon, Zong Qinghou. Cet entrepreneur connu est délégué à l'Assemblée nationale populaire (Parlement) et président de Wahaha, premier du secteur des boissons en Chine.
Le français est allé jusqu'à entamer une action judiciaire, après avoir fait appel à la médiation d'un tribunal d'arbitrage à Stockholm. Plus d'un an auparavant, Danone avait sourcillé à la lecture des comptes de la société Danone-Wahaha, puis enquêté et découvert le pot-aux-roses: une série d'entreprises montées par Zong, ne figurant pas dans les comptes communs, mais exploitant le même filon et la même marque que la joint-venture. Et un manque à gagner aujourd'hui estimé à 100 millions de dollars.

ZongAu départ, Danone a cherché à négocier, faire revenir ces sociétés dans le giron de la coentreprise, avant que Zong brutalement ne médiatise leur différend, via des déclarations aux accents nationalistes dénonçant cette tentative "hostile" de rachat.
Depuis, à coups de citations de Mao Zedong, des employés ont serré les rangs derrière lui, laissant Danone dans une position inconfortable, rappelant les tribulations en Chine, entre 1995 et 2002, du financier Tim Clissold telles que racontées dans son ouvrage "Mr China/ Comment perdre 450 millions de dollars après avoir fait fortune à Wall Street".
Dans ces mémoires souvent drolatiques, l'ancien représentant en Chine du fonds d'investissement Asimco raconte ses combats avec une série de partenaires assez retors, utilisant l'argent étranger pour bâtir des concurrents, avant de se tourner vers les autorités chinoises en faisant vibrer la fibre nationaliste.
Les dissensions sino-étrangères n'en arrivent pas toujours à de telles extrémités mais restent souvent pénibles.
"Nos quatre ou cinq premières années ont été difficiles, avec un partenaire pour lequel la signature du contrat avait représenté l'ouverture des négociations", racontait il y a peu Anders Maltesen, le patron de Tianjin Alstom Hydro, une entreprise de turbines du groupe français Alstom.
Alstom s'est sorti de ce mauvais pas en rachetant la totalité de son usine.
Dans bien des domaines, la loi chinoise ne requiert plus que l'étranger ait un partenaire local, clause autrefois obligatoire et qui a permis aux sociétés chinoises d'accéder aux sources de financement qui leur faisaient défaut.
Alors pour Edward Smith, directeur du Beijing Consulting Group, l'ancien modèle d'implantation n'est plus intéressant: "Finalement une joint-venture c'est parfois plus de travail que de se monter seul", estime-t-il. D'autant "qu'on peut trouver aujourd'hui de bons cadres chinois pour vous aider" dans les méandres administratifs, légaux voire politiques.

AFP, 17 juin 2007

La police chinoise délivre 31 "esclaves" dans une briqueterie de la province du Shanxi

L'histoire aurait pu se passer dans la Grande-Bretagne du XIXe siècle. Mais elle a pour cadre la quatrième puissance économique mondiale actuelle, la Chine : en fin de semaine dernière, dans une briqueterie du village de Caosheng, dans la province du Shanxi, au sud-ouest de Pékin, 32 ouvriers-esclaves ont été délivrés par la police.

Depuis le début 2006, ils se levaient chaque matin à 5 heures, et ne terminaient jamais leur travail avant 1 heure le jour suivant. Après avoir été embauchés par le fils du secrétaire du Parti communiste local, propriétaire de l'usine, ces travailleurs migrants venus de différentes provinces de Chine se sont aperçus, trop tard, qu'ils étaient tombés dans un piège.

Ils dormaient par terre, sur un sol juste recouvert d'un peu de paille en hiver, où ils souffraient constamment du froid, dans des pièces sans chauffage et sans lumière. La nuit, leurs patrons-geôliers verrouillaient les portes du dortoir. Devant la porte, cinq hommes de main et un chien-loup veillaient.

BATTU À MORT

Pour toute nourriture, ils ne mangeaient que du "mantou", un pain chinois, et buvaient de l'eau froide. Pas de thé. Leur repas, ils devaient le finir en quinze minutes, sinon les sbires du patron les passaient à tabac.

Ces informations effarantes ont été révélées il y a quelques jours par le quotidien du Shanxi ; elles ont été reprises par la télévision nationale, l'agence de presse Chine nouvelle et quelques grands quotidiens dans un pays où, en dépit du contrôle sévère exercé sur la presse, de tels scandales ne peuvent plus totalement être passés sous silence, même dans le cas d'un secrétaire du Parti, à l'heure où la hiérarchie pékinoise clame haut et fort son souci de ne pas épargner les "ripoux" que le Parti a enfantés - ou éduqués en son sein... Le propriétaire de la briqueterie a été arrêté, et son père, secrétaire du Parti, mis en examen.

Le quotidien pékinois Les Nouvelles de Pékin avance que l'un des esclaves de la briqueterie aurait été battu à mort par un cerbère parce qu'il ne travaillait pas assez vite.

Les "ouvriers" ne disposaient évidemment de rien pour se laver, et ce journal, qui révèle souvent des faits divers illustrant les réalités sociales de la Chine contemporaine, écrit : "Lors de leur libération, la crasse sur leur peau était si épaisse qu'on aurait pu la gratter au couteau..."

Les médias en profitent aussi pour rappeler que, dans des zones reculées et pauvres de cette même province, une trentaine d'autres esclaves avaient été découverts en 2006, après qu'un des leurs eut réussi à s'enfuir. C'est ce qui a dû se passer pour que la police réussisse à franchir les portes du "bagne de Caosheng".
Bruno Philip, Le Monde 11 juin 2007

En Irak, la reconstruction aussi est un échec

Quatre ans après son déclenchement, l’échec de la guerre américaine en Irak est patent sur les plans politique et militaire, mais aussi dans le domaine de la reconstruction. Des dizaines de milliards de dollars investis ont été gaspillés voire détournés par des compagnies comme Halliburton, qui vient d’annoncer le transfert de son siège de Houston à Dubaï. La majorité démocrate du Congrès a proposé une législation pour mieux contrôler ces fonds, une mesure à laquelle s’oppose l’administration Bush.
Par Joy Gordon



« L’année dernière, Falloujah ressemblait à une zone de démolition. [Aujourd’hui] je vois des améliorations partout. La vie y est très belle. » « C’est un grand jour pour mon village, les forces de la coalition font de grandes choses ici. » Proclamant « Nous sommes ici pour aider le peuple d’Irak », les vidéos téléchargeables d’où sont tirées ces déclarations montrent des soldats en train de faire don d’un générateur à un centre médical ou de livrer des chaussures à des enfants irakiens.

L’agence Usaid publie régulièrement un bulletin, Iraq reconstruction weekly update, qui voit dans la reconstruction de l’Irak une suite sans fin de projets extraordinaires, de miracles qui améliorent la vie des citoyens, lesquels seraient pénétrés d’admiration et de gratitude. Le ministère de la défense américain et les organismes associés éditent des rapports dithyrambiques sur les immenses progrès accomplis. Un communiqué récent se vante des 10,5 milliards de dollars dépensés pour quelque trois mille cinq cents projets, dont la quasi-totalité auraient déjà été lancés et qui seraient achevés à 80 % (1).

De nombreux rapports indépendants dessinent un tout autre tableau, soulignant que les comptes rendus officiels sont souvent exagérés ou mensongers. Par exemple, le département d’Etat a prétendu que soixante-quatre projets d’adduction d’eau et de construction d’égouts étaient achevés et que cent quatre-vingt-cinq étaient en cours, mais le Government Accountability Office (GAO) – organe du Congrès qui audite les programmes gouvernementaux – a déclaré que ces chiffres étaient grossièrement surévalués. Le département d’Etat s’est montré incapable de fournir aux enquêteurs une liste des projets achevés, de sorte qu’il est impossible de les comptabiliser (2). A maintes reprises, les organismes de reconstruction américains ont été critiqués pour leur totale incompétence dans la gestion de ces programmes.
Contrats lucratifs

La construction de cent cinquante centres médicaux, qui manquaient cruellement, a constitué un désastre complet. Au bout de deux années, et après avoir dépensé 186 millions de dollars, six seulement avaient été achevés – et l’organisme américain chargé du projet a ramené l’obligation de l’entrepreneur à... vingt centres (3). Les équipements médicaux livrés n’ont été ni examinés ni même inventoriés. Quand les experts chargés de l’audit ont contrôlé ces marchandises, ils ont constaté que près de la moitié étaient endommagées ou présentaient des problèmes. Et ces mêmes équipements étaient toujours stockés dans un entrepôt sans que les organismes irakiens ou américains aient trouvé le moyen de les faire parvenir à leurs utilisateurs (4).

Quant à la construction d’un institut de formation des policiers à Bagdad, contrat portant sur 72 millions de dollars, elle était à ce point défaillante que les vérificateurs ont conclu : « Le programme gouvernemental destiné à garantir la qualité des travaux a été totalement incapable de contrôler la prestation de l’entrepreneur (5). »

L’échec de cette reconstruction est l’une des causes sous-estimée du fiasco américain en Irak. Lorsque les Etats-Unis ont renversé le régime de Saddam Hussein au printemps 2003, de nombreux Irakiens se sont montrés reconnaissants et optimistes, tout en espérant que l’occupation serait de courte durée, et que Washington allait leur permettre rapidement de gérer leurs propres affaires. Mais les pires scénarios ont prévalu : l’occupation s’est prolongée, et la reconstruction du pays a échoué.

Au cours de l’été 2003, avec l’arrivée des grandes chaleurs, les autorités d’occupation ont octroyé des contrats juteux à des sociétés américaines, mais rien ne s’est produit sur le terrain : l’électricité a continué de manquer pour les particuliers comme pour les usines de retraitement des eaux usées ou pour les réfrigérateurs où étaient stockés des médicaments indispensables. La situation humanitaire s’est rapidement détériorée. Faute de traitement adéquat des eaux, des épidémies de dysenterie et d’autres maladies se sont étendues.

La déception fut d’autant plus grande que les Irakiens croyaient à la toute-puissance des Etats-Unis. Ils pouvaient aussi comparer les efforts américains à ceux du régime de Saddam Hussein après que les bombardements massifs de la guerre du Golfe de 1991 eurent détruit toutes les infrastructures du pays – ponts, routes, centrales électriques, télécommunications, usines, raffineries. En bricolant des installations quasi rasées, en dévalisant une usine ici pour en faire fonctionner une autre là, l’électricité avait été rétablie au bout de quelques semaines à peine. Tous les ingénieurs du pays, y compris des physiciens nucléaires, avaient été envoyés reconstruire des ponts (6). En trois mois, le réseau téléphonique avait été rétabli. Alors qu’en août 2003, lors du grand blackout à New York, une plaisanterie circulait à Bagdad : « Espérons qu’ils n’attendent pas que les Américains réparent ça ! »

Les fonctionnaires des Etats-Unis ont eu l’habitude de qualifier le gouvernement de Saddam Hussein de « régime kleptocrate ». L’épithète s’applique tout aussi bien à la reconstruction accomplie sous leurs auspices. Les premiers efforts ont été effectués par le biais du Fonds de développement pour l’Irak (Development Fund for Iraq), financé par les exportations pétrolières et par le reliquat du programme « Pétrole contre nourriture » (7). Ce fonds était, au départ, contrôlé par les autorités d’occupation, lesquelles ont utilisé l’argent irakien pour signer de lucratifs contrats avec des entrepreneurs américains (et quelques sociétés des pays alliés) : durant les quatorze mois de l’occupation officielle, avant le transfert du pouvoir à un gouvernement irakien, 21 milliards de dollars ont transité par ce fonds, dont 18 ont été effectivement dépensés.

La mauvaise gestion de cet argent est de notoriété publique. Le 29 juin 2004, Washington a remis au gouvernement irakien par intérim le contrôle du Fonds de développement. Mais, pendant les quinze jours qui ont précédé cette passation, les Américains ont fait parvenir en Irak par la voie des airs 5 milliards de dollars en petites coupures emballées sous film plastique, et les ont distribuées comme des bonbons. On peut voir des photographies d’entrepreneurs arrivant avec des sacs ; les fonctionnaires américains n’ont même pas compté l’argent avant de le distribuer. Un transfert de 1,4 milliard de dollars a eu lieu sans la moindre explication et sans autre trace que la mention laconique « transfert de fonds ». La plus grosse somme ainsi déboursée sans justificatif ? Les 8,8 milliards de dollars remis par l’Autorité provisoire de la coalition (Coalition Provisional Authority, CPA) à des ministères irakiens.

Les comptes du Fonds de développement ont été épluchés d’abord par le cabinet Klynveld, Peat, Marwick et Goerdeler (KPMG) et ensuite par Ernst & Young, commandité par le Comité international de conseil et de contrôle des Nations unies (International Advisory Monitoring Board, IAMB). Un rapport publié par celui-ci en décembre 2004 fait état de « centaines d’irrégularités » dans les procédures contractuelles mises en œuvre par le CPA, notamment des données manquantes et des paiements effectués sans que l’exécution du contrat ait été contrôlée. Un audit caractéristique effectué par KPMG pour le premier semestre 2004 a repéré trente-sept contrats portant sur 185 millions de dollars dont les dossiers restaient introuvables ; dans cent onze cas, aucun document n’existait concernant les prestations fournies aux termes du contrat (8).

Un autre audit effectué par une agence officielle américaine a constaté que Kellogg, Brown & Root (KBR), l’une des filiales de la compagnie Halliburton, avait violé « de manière significative et systématique » les lois fédérales régissant l’établissement des contrats en fournissant des données fausses sur le coût d’exécution (9). Mais, en dépit de ces critiques, les contrats avec cette société ont été constamment renouvelés et élargis.

A mesure que s’achèvent les projets de reconstruction, une nouvelle série de révélations témoigne d’incompétences et de négligences effroyables. Ainsi du contrat attribué par les Etats-Unis pour la rénovation de l’hôpital Al-Hillah (au sud de Bagdad). Celle-ci prévoyait l’installation de quatre nouveaux ascenseurs. Le fonctionnaire américain chargé du projet a signé le certificat de fin de travaux, autorisant un paiement complet et immédiat, alors que tout n’avait pas encore été réalisé. Trois mois plus tard, l’un des trois « nouveaux » ascenseurs s’est écrasé, faisant trois morts : le constructeur n’en avait pas installé de nouveaux, mais s’était contenté de rénover les anciens – une rénovation manifestement bâclée (10).
Des dizaines de cas de malfaçons

Autre exemple, celui d’un entrepreneur responsable de la construction d’une usine à eau à Al-Soumelat qui avait si mal travaillé que l’entreprise ne pouvait produire aucune eau potable : la tuyauterie était divisée en trois segments inutilisables, dont aucun n’était relié à la conduite principale (11). Des dizaines de cas de malfaçons, de marchandises jamais livrées, d’équipements qui ne fonctionnaient pas ont été recensés.

Les organismes américains ont cherché à justifier la lenteur de la reconstruction par la médiocre situation en Irak au moment de la « libération » de 2003 : « Les projets américains ont aidé l’Irak à stabiliser sa production pétrolière et à se remettre de décennies de négligence sous le régime précédent (12). » « Avant le mois d’avril 2003, nombre d’usines à eau étaient soit totalement hors d’usage, soit gravement défaillantes, et celles du traitement des eaux usées fonctionnaient mal ou pas du tout (13). » « Le système de santé irakien n’avait été ni financé ni géré de manière durable ou systématique pendant au moins les deux décennies précédant la libération (14). »

En réalité, si l’Irak était en piètre état, il le devait moins aux négligences du régime qu’aux bombardements des Etats-Unis et de leurs alliés, qui avaient détruit la totalité des infrastructures nationales lors de la guerre de 1991. Ensuite, pendant treize ans, Washington fit systématiquement usage de son veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour empêcher l’Irak d’importer les équipements indispensables au rétablissement de son industrie, de son agriculture, de sa production énergétique et de tout ce qu’exigeait le fonctionnement d’une société industrielle.

Le raisonnement qui sous-tendait ces sanctions, brutales, était de délégitimer Saddam Hussein aux yeux de l’opinion irakienne : les privations devaient provoquer un tel désespoir que le peuple se soulèverait et renverserait le régime. Alors que rien de tel ne s’est produit du temps de Saddam Hussein, c’est exactement ce qui se passe sous l’occupation américaine... La pitoyable incapacité des Etats-Unis à fournir eau et électricité et à faire redémarrer l’économie, le pillage éhonté du pays et les sommes exorbitantes versées à des sociétés américaines pour une reconstruction hâtive ont alimenté une insurrection qui exige le départ des troupes étrangères.
Le Monde Diplomatique, avril 2007

"Avec la TVA sociale, il y a bien une perte de pouvoir d'achat"

Chat avec Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE.

coassak : Comment s'explique l'affirmation selon laquelle les prix ne grimperont pas malgré l'instauration d'une TVA (sociale !) supérieure ?

Xavier Timbeau : Si l'on fait une TVA sociale pure, c'est un schéma dans lequel on augmente d'un côté la TVA et de l'autre on baisse les cotisations sociales employeurs. Pour chaque milliard de recettes de TVA en plus, on abaisse le coût des entreprises d'autant.

Donc si tout se passe bien, d'un côté les prix de production baissent, et de l'autre côté les prix TTC compensent cette baisse des prix de production.

Cela n'est pas vrai pour les produits exportés, qui ne font que baisser, et pas vrai pour les produits importés, qui, eux, augmentent.

Donc l'affirmation selon laquelle la TVA sociale n'augmentera pas les prix est vraie si tout se passe bien et si on fait la moyenne entre le prix des produits importés et celui des produits exportés.

En revanche, la TVA sociale conduit bien à prendre du pouvoir d'achat au consommateur, car il va payer plus cher les produits importés, pour favoriser la compétitivité des entreprises. Du côté du consommateur, il y a bien une perte de pouvoir d'achat.

Asimov : En cas d'instauration de la TVA sociale, ne pensez-vous pas qu'il y a un risque que les entreprises, pour ne pas être accusées de favoriser l'inflation, ne la répercutent sur les produits en jouant sur la qualité ou la quantité, ce qui leur permettrait de donner l'illusion que les prix restent inchangés tout en conservant leurs marges ?


Xavier Timbeau : C'est un risque. Les entreprises ont tout un tas de stratégies pour manipuler leurs prix.

A cela, a priori, une remarque s'impose : si la concurrence est grande entre les entreprises, qu'elles jouent sur leurs prix ou sur la qualité des produits, la sanction du marché finit par arriver.

Donc en conclusion, ce phénomène est d'autant plus probable que les entreprises ont un pouvoir de marché, et en revanche, il est d'autant moins probable qu'elles sont exposées à une concurrence féroce.

Renault aujourd'hui aura beaucoup de mal à jouer de cet effet, car ses produits sont examinés dans toutes les dimensions, de la qualité et du prix.

Par contre, dans le secteur des télécoms, le pouvoir de marché est plus grand, donc la capacité de manipulation est aussi plus grande.

doudou : La TVA sociale est censée pénaliser les importations. L'Allemagne, notre plus grand partenaire européen, a mis en place cette TVA. Sait-on si nos exportations là-bas en ont pris un coup ? Et dans quelle mesure ? Peut-on alors penser que, petit à petit, si chaque pays met en place cette taxe, tous nos produits seront pénalisés ?

Xavier Timbeau : La TVA sociale joue comme une dévaluation, elle accroît la compétitivité.

Quand un pays la fait, il gagne en compétitivité, mais la contrepartie automatique, c'est que ses voisins perdent en compétitivité. C'est un jeu à somme nulle.

Donc c'est tout le débat autour de la TVA sociale : doit-on la faire parce que les Allemands l'ont fait, pour regagner la compétitivité qu'ils ont gagnée sur nous ?

Et les avantages de cette TVA sociale ne seront-ils pas perdus quand les Espagnols ou les Italiens feront pareil ?

Aujourd'hui, en tout cas, les effets sur le commerce extérieur sont tout à fait caractéristiques, puisque l'Allemagne a un commerce extérieur florissant, alors que la France, l'Espagne, l'Italie ont un commerce extérieur très dégradé.

On peut même montrer que l'Allemagne a perdu des parts de marché hors de la zone euro, subissant comme les autres l'appréciation de l'euro, mais qu'elle a gagné des parts de marché à l'intérieur de la zone euro.

Le Monde 7 juin 2007

17 juin, 2007

Pour ou contre la TVA "sociale", le point de vue de deux économistes

CONTRE : Liêm Hoang-Ngoc, économiste au CNRS

La question fondamentale en matière de fiscalité est : qui paie ? En raison du poids des impôts proportionnels (TVA, CSG…), le système fiscal français est déjà des plus injustes. La TVA représente aujourd'hui 51 % des recettes fiscales contre 17 % pour l'impôt sur le revenu. Les pauvres la paient au premier centime d'euro dépensé pour leur pain quotidien. Les 10 % des ménages les plus pauvres concèdent 8 % de leur revenu au paiement de la TVA. Les 10 % des ménages les plus riches ne lui consacrent que 3 % de leur revenu. La hausse de la TVA rendra l'impôt encore plus injuste en reportant sur les pauvres une part croissante du financement du budget.

Malgré la baisse des charges prévue, ni les grandes entreprises, sommées par leurs actionnaires de maximiser leurs marges, ni les PME, étranglées par leurs donneuses d'ordre, ne vont baisser leurs prix. Demander à un restaurateur s'il baissera ses prix si on lui accordait la baisse de TVA qu'il demande de 19,6 % à 5,5 %, il vous répondra non. Croyez-vous qu'il les baissera si on l'augmente à 22 ou 25 % ?

Les baisses de cotisations sociales qui se sont déployées depuis 1993 n'ont aucunement enrayé la "vie chère". Avec une telle mesure, les prix augmenteront et provoqueront une détérioration du pouvoir d'achat des ménages, ce qui cassera la consommation, actuellement le seul moteur de la croissance. La hausse de la TVA allemande a déjà relancé l'inflation de 0,5 point au premier trimestre et risque de freiner la consommation intérieure. En apparence, la stratégie allemande est gagnante sur le terrain commercial parce que les industries d'outre-Rhin sont spécialisées sur des créneaux "hors coût" qui leur garantissaient déjà des débouchés mondiaux. La réforme fiscale permet surtout aux actionnaires allemands de bénéficier de dividendes en hausse…

La BCE, dont l'œil est rivé sur l'indice des prix, risquerait de relever une fois de plus ses taux d'intérêt. La croissance ralentie amenuiserait les recettes fiscales, déjà entamées par les baisses d'impôts directs. Les déficits se creuseraient, justifiant de nouvelles restrictions budgétaires en matière de redistribution. Un cercle vicieux s'instaurerait et les inégalités se creuseraient.

Si tous les pays européens s'engageaient dans cette stratégie de "désinflation compétitive", le jeu serait à somme nulle. Aucun gain de parts de marché de part et d'autre, mais un marasme économique généralisé qui condamnerait une fois de plus le projet européen auprès des peuples. Des effets positifs sur l'emploi ? On estime à 200 000 le nombre de créations nettes d'emplois occasionné par ces politiques de baisse de cotisations salariales depuis une quinzaine d'années, chiffre qui reste très limité.

Liêm Hoang-Ngoc, maître de conférences à Paris I et chercheur au centre Panthéon-Sorbonne Economie, rattaché au CNRS

POUR : Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d'analyse économique

"Le principe de la TVA sociale consiste à transférer des charges patronales supportées par les salaires vers une autre source de fiscalité : la CSG ou la TVA, à budget constant. Il ne s'agit pas d'augmenter la TVA pour payer de nouvelles dépenses de l'Etat ou pour compenser les baisses d'impôts décidées par le gouvernement mais de financer la protection sociale collective.

La TVA sociale est bénéfique si et seulement si elle est appliquée dans un contexte très précis. Pour cela, il convient au préalable de distinguer la protection sociale individuelle de la protection sociale collective (politique de la famille et de la santé).

La protection sociale individuelle dépend des revenus de l'individu. Plus vous gagnez d'argent, plus votre retraite, vos prestations chômage, et vos indemnités maladies, sont importantes. Il est justifié que ce type de protection soit financé par des cotisations sociales sur les salaires, et tel est le cas depuis 1945.

La protection sociale collective dépend, elle, de la citoyenneté. Vous résidez sur le territoire français quels que soient vos revenus, vos soins vous sont remboursés à taux fixe, idem pour les allocations famililales. Dans ce cas, il est inconcevable que ce type de prestation soit uniquement financé par des charges salariales. Il faut jouer sur les impôts que tous les résidents paient : la TVA.

La politique familiale coûte entre 23 et 25 milliards d'euros par an. Or une augmentation de 2,4 % de la TVA (de 19,6 à 22 %) rapporterait 23 milliards d'euros. Voilà pourquoi je pense que la TVA "sociale" est la solution pour financer la politique familiale.

Au sein des partisans de la TVA sociale il est important de distinguer les minimalistes (la TVA à 22 %) des maximalistes, comme le sénateur Jean Arthuis, qui vont jusqu'à proposer une TVA à 28 %. Je suis minimaliste car si l'on augmente trop la TVA, je pense que les Français iront acheter leur voiture dans un pays voisin.

Pour le moment, la cotisation assurance-famille payée par l'employeur est de 5,8 %, l'idée est de la supprimer et de la remplacer par la TVA "sociale". Le coût du travail et donc le coût de production hors taxe baisseraient de 2,4 %. Le prix final TVA incluse ne changerait pas : c'est la structure des coûts de production qui varierait. La TVA sociale serait indolore pour le consommateur. Les entreprises profiteraient alors de la baisse des coûts de production pour répercuter cette baisse sur les prix hors taxe et essayer de gagner des marchés, c'est le principe de la concurrence. C'est ce qu'a fait l'Allemagne qui a connu depuis une faible inflation additionnelle (0,3) après avoir augmenté la TVA de 3 points de pourcentage.

Il est évident que cette baisse du coût du travail serait minime et incapable de modifier les différences de coûts entre la France et la Chine mais les entreprises chinoises paieraient l'augmentation de TVA, ce qui rendrait les importations plus coûteuses. Mais nous améliorerions ainsi la compétitivité du travail français par rapport à nos partenaires de la zone euro. La TVA sociale est une arme anti-délocalisation."

Christian Saint-Etienne, du Conseil d'analyse économique du Premier ministre et membre du Cercle des économistes

Renouveler l’art ancien du pillage

Bien qu’elle ait déjà beaucoup servi, la métaphore de la jungle n’a rien perdu de sa pertinence pour désigner le monde que le capital façonne à son image. Dans cette jungle rôdent des prédateurs de premier plan, ceux que l’on dénomme habituellement et euphémiquement des « hommes d’affaires ». La présentation plus particulière d’une dizaine d’entre eux, dont presque tous ont fait la « une » des médias au cours de ces dernières années, émaille l’ouvrage de Michel Villette et Catherine Vuillermot (1). Contrairement à la légende, ces héros des temps modernes ne sont pas d’abord des innovateurs. Ou, plus exactement, leur seule véritable innovation consiste à renouveler l’art fort ancien du pillage !

Les auteurs montrent en effet que, sans exception, la bonne fortune de chacun de ces hommes d’affaires a commencé par... une bonne affaire, dont les ingrédients sont tout à la fois les imperfections du marché (le prédateur capitaliste a horreur des risques de la concurrence), des collusions politiques (le prédateur capitaliste a besoin de solides appuis gouvernementaux) et des ambiguïtés de la morale ordinaire (à l’image de l’escroc, le prédateur capitaliste est un séducteur et un manipulateur). Après quoi il est cependant indispensable que, devenus de respectés membres de la « bonne société » et d’ardents défenseurs des « valeurs », ces parvenus fassent oublier les manœuvres qui ont présidé à l’« accumulation primitive » de leur capital, dont Karl Marx déjà nous avait enseigné que ses méthodes sont « tout ce qu’on voudra, hormis matière à idylle ».

Mais les prédateurs n’existeraient pas sans leurs proies, dont les plus modestes sont évidemment les salariés de base, ceux que les précédents n’hésitent pas à jeter sur le pavé par centaines de milliers chaque année. C’est à eux que Thierry Maricourt a choisi de donner la parole dans son dernier ouvrage (2). Il y est question de la liquidation en 2005 de la division industrielle de l’établissement Alcatel d’Illkirch-Graffenstaden dans la périphérie de Strasbourg, pourtant une entreprise high-tech (3).

A l’initiative d’une bibliothécaire du comité d’établissement et du syndicaliste secrétaire de ce comité, Maricourt a été invité à mener une enquête auprès des personnels licenciés, principalement des ouvrières et des techniciens. Il en est résulté un ouvrage dans lequel, de manière thématique, la parole de ces derniers est restituée, entrecoupée de commentaires de l’auteur. Une parole dans laquelle se dit ce qu’a été la vie des salariés de cet établissement, leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs déceptions, le choc de l’annonce du licenciement collectif, l’incapacité de réagir sous la forme d’une lutte collective, l’amertume de quitter une entreprise où l’on laisse irrémédiablement une partie de soi.

Ne reviendrait-il pas en principe à l’Etat de « civiliser » la jungle capitaliste, en y introduisant un minimum de réglementation et de régulation ? Si cela a pu être le cas à d’autres époques, il n’en est plus question aujourd’hui. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser la manière dont l’Etat traite ces purs produits de la jungle capitaliste que sont devenues certaines banlieues urbaines, zones de relégation dans laquelle des couches populaires sont quasiment assignées à résidence. C’est ce qu’a entrepris Sylvie Tissot en analysant la genèse de la catégorie de « quartiers sensibles » entre 1985 et 1995 (4). Douteuse catégorie d’analyse des « problèmes sociaux » (au premier rang desquels le chômage et le sous-emploi de masse), qui procède notamment du remplacement du paradigme de l’exploitation par le paradigme de l’exclusion, le concept de « quartiers sensibles » est aussi devenu une catégorie de l’action politique et administrative, dont le succès s’explique par cette inflexion lourde que constitue la territorialisation des politiques sociales qui se développe alors, notamment sous couvert de la politique de la ville (la politique de « développement social des quartiers »).

Tissot montre que cette inflexion a servi de moyen autorisant le désengagement de l’Etat social, sous prétexte de faire appel à la « participation des habitants », à la « mobilisation citoyenne », à la valorisation de la « proximité » et de la « convivialité », au « remaillage du tissu social local », etc. Quitte à constater, après coup, l’impuissance des acteurs locaux à résoudre les problèmes globaux.
Le MOnde Diplomatique, Mai 2007

(1) Michel Villette et Catherine Vuillermot, Portrait de l’homme d’affaires en prédateur, La Découverte, Paris, 2007, 294 pages, 11 euros.

(2) Thierry Maricourt, Ils ont bossé... et puis après ?, Syllepse, Paris, 2006, 144 pages, 15 euros.

(3) Rappelons l’espoir alors exprimé par M. Serge Tchuruk, président-directeur général d’Alcatel : « Nous souhaitons être bientôt une entreprise sans usines. »

(4) Sylvie Tissot, L’Etat et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, Seuil, Paris, 2007, 306 pages, 22 euros.

L’école face à la barbarie consommatrice

En France, les débats éducatifs sont trop souvent réduits aux débats sur l’école. Certes, notre histoire y invite : aucun pays plus que le nôtre ne s’est construit avec et sur son système scolaire. Et si nous ne restaurons pas l’espérance dans une institution aujourd’hui largement réduite à une gare de triage, nous devrons faire face, en même temps, à l’explosion de la jeunesse et à la dépression des professeurs. Quand le fatalisme triomphe et que le découragement s’impose chez ceux qui incarnent l’avenir, il y a de quoi s’inquiéter... Réjouissons-nous donc que la campagne électorale fasse une place aux problèmes scolaires. [Suite...]

15 juin, 2007

[Vidéo] Alerte à Babylone.L'agriculture en France.




En 50 ans, on a détruit 98% de notre biodiversité en Europe. En 1950, les céréales ne recevaient aucun traitement, aujourd'hui 3 à 4 en moyenne par récolte. "Nous gérons les pathologies végétales"... "Les sols meurent biologiquement"...

Alerte à Babylone.L'agriculture en France.


ALERTE
envoyé par tinou1225


En 50 ans, on a détruit 98% de notre biodiversité en Europe. En 1950, les céréales ne recevaient aucun traitement, aujourd'hui 3 à 4 en moyenne par récolte. "Nous gérons les pathologies végétales"... "Les sols meurent biologiquement"...

12 juin, 2007

EDF - «Nous assumons les risques associés à notre développement»

JDLE - 11/06/2007 - En 2003, le groupe EDF s’est doté d’un outil innovant en matière de prévention des risques: une cartographie recensant les risques majeurs auxquels le groupe est confronté. Pour le JDLE, Pierre Béroux, directeur des risques à EDF, en explique le fonctionnement.

Dans quel contexte le groupe EDF a-t-il mis en place une cartographie des risques?

Cette initiative remonte à mai 2003, après la première phase de libéralisation du marché de l’énergie dans l’Union européenne, et dans un contexte d’ouverture accélérée des marchés. Après s’être construit sur des bases très solides en France, EDF commençait à prendre son envol à l’international. Nous étions conscients qu’un long processus débutait et que le groupe allait être confronté à une série de changements déterminants. Les risques ne sont pas les mêmes quand on vend de l’électricité en France, en Argentine, ou au Royaume-Uni, dans un contexte de concurrence. Il nous fallait donc un outil pour contrôler notre développement. La cartographie des risques était à l’époque un outil peu connu dans les grands groupes industriels. En revanche, il était plus familier dans les mondes de l’assurance et de la finance où les démarches de risk-management sont déjà bien ancrées.

Quels en étaient les objectifs?

En interne, l’objectif était d’abord de mobiliser le management et les salariés, et de donner à l’ensemble du groupe une vision exhaustive des risques nouveaux auxquels le groupe était confronté, notamment avec l’ouverture à la concurrence. En externe, c’était aussi une manière de signifier le virage que le groupe devait négocier à l’international. Une manière de dire: «nous nous développons et nous assumons les risques associés». Au départ, le recensement des risques a servi à construire des bases robustes pour déployer le programme d’audit. Fin 2003, un premier bilan a été élaboré, à la suite duquel nous avons décidé de publier une cartographie des risques semestrielle qui corresponde aux échéances de publication des comptes. Il ne fallait pas que les managers du groupe et les salariés considèrent cet outil comme une greffe inutile, un mécanisme à la mode. C’est pourquoi nous en avons directement confié l’élaboration aux directions opérationnelles.

Combien de risques recensez-vous?

Dès le premier semestre, nous avons recensé une liste de 600 risques élémentaires, aussi bien institutionnels ou politiques, que sociaux, financiers ou environnementaux. Au fil des mois, la liste s’est allongée. Désormais, nous travaillons sur un ensemble de 800 à 900 risques que nous renouvelons d’environ 20% chaque semestre. La direction de l’ingénierie, la direction financière, celle de l’environnement ou de la production ne recueillent pas le même type de risques. Notre but étant d’en recenser le plus grand nombre et d’en analyser les interactions, nous avons confié à l’ensemble de nos directions un «risk-model» constitué de trois catégories: les risques liés à l’environnement externe à l’entreprise, les risques opérationnels, les risques en matière de stratégie et de pilotage de la performance, liés aux choix de développement. C’est ensuite à chaque direction de classer ses risques dans les catégories et sous-catégories appropriées. Dans l’ensemble «environnement externe» se trouvent ainsi les catégories «marchés financiers», «régulation» ou «catastrophes naturelles». Dans l’ensemble «risques opérationnels», nous classons par exemple les risques liés à notre fonctionnement, comme l’impact des rejets des installations sur l’environnement ou les risques sociaux.

Et en matière de santé environnementale?

Nous travaillons aussi bien sur les risques liés à la santé, comme l’effet des champs électromagnétiques ou la radioprotection, que sur les dangers liés au travail, par exemple les risques psychosociaux. EDF est obnubilé par le risque nucléaire mais il ne faut jamais oublier que l’entreprise peut être confrontée à bien d’autres risques.

Existe-t-il un moyen de vérifier l’information collectée?

Avant de finaliser la cartographie, la direction des risques demande l’avis des directions corporate (direction juridique, financière, ou encore du développement durable…). Assez souvent, leur perception est différente et donc complémentaire de celle des directions opérationnelles. Les premières envisagent souvent les risques de façon plus transverse et moins précise, mais elles anticipent davantage. Nous organisons donc des «ateliers risques» où sont confrontées la vision spontanée des directions opérationnelles et la vision plus globale des directions corporate. Nous tenons à ce que l’état-major des directions opérationnelles soit présent lors de ces ateliers. Suivant les questions soulevées, nous faisons aussi appel à un membre de l’état-major de la direction de l’audit, qui dispose de remontées précises et sectorielles sur les sujets déjà audités au sein de la direction concernée. Puis, nous demandons à l’état-major de celle-ci de revoir son analyse des risques et de nous faire un retour. Cette vision croisée est l’une des grandes forces de la démarche.

Comment diffusez-vous ensuite l’outil finalisé?

L’objectif est de faire à la fois du partage et de la vulgarisation, mais aussi de préserver la confidentialité: rien ne circule sur le réseau informatique. Une fois les informations collectées, on choisit une centaine de risques jugés importants. Au final, nous aboutissons à une liste de 40 risques majeurs. Le produit final est composé d’un rapport d’une trentaine de pages et d’un tableau de correspondance entre les risques majeurs et tous les risques élémentaires déclarés. Ces documents sont d’abord destinés au président du groupe et aux directeurs généraux délégués, ainsi qu’au comité d’audit du conseil d’administration. Mais l’inventaire des risques déclarés et le rapport de synthèse sont distribués à tous les directeurs opérationnels et directeurs corporate, ainsi qu’à tous les «correspondants risques» de l’ensemble des branches.

Quel est l’impact de ces informations sur les décisions?

Lorsque des éléments nouveaux apparaissent, nous en discutons et nous prenons les décisions appropriées. Nous voulons introduire ces risques dans les processus managériaux d’EDF pour que le système puisse les prendre en compte.

Le mal-être des salariés de la centrale de Chinon est-il apparu dans cette cartographie?

Les risques psychosociaux apparaissent encore de façon trop dispersée dans un exercice de cartographie car ils sont par nature très diffus et la perception de leur degré de gravité est délicate. A Chinon, la problématique globale était celle d’une perte de sens dans la relation que certains salariés entretenaient avec leur travail. Les systèmes de management modernes ont tendance à individualiser les postes de travail, ce qui peut entraîner une déshumanisation et une perte du collectif. Ajoutons à cela une baisse de l’influence des organisations syndicales et une organisation verticale et procédurale de certains métiers de l’entreprise, compte tenu des enjeux industriels associés. Sur le site de Chinon cohabitent deux, voire trois générations de salariés. Avec l’évolution des métiers et de l’environnement du groupe, certains ont perdu leurs repères. Aucun clignotant orange ne nous a permis de faire de la prévention! Mais, dans le cadre de la cartographie, nous utilisons aujourd’hui les événements de Chinon pour interviewer toutes les directions et filiales sur l’état des risques psychosociaux dans leur périmètre.

Et la vétusté des parcs hydrauliques?

Suite à différents incidents, sans conséquences, qui se sont produits en 2005, nous nous sommes préoccupés de l’état de certains de nos barrages. Dès janvier 2006, vu les indicateurs recensés dans notre cartographie, j’ai pris le parti d’alerter le président, qui a demandé au directeur en charge de faire un rapport exhaustif sur l’état de ces barrages. L’audit est mené. En novembre 2006, nous avons ainsi lancé un programme de 500 millions d’euros en 5 ans pour rénover et moderniser le parc hydraulique.

Comment cette cartographie est-elle perçue en interne?

Au vu de multiples témoignages, cette cartographie n’est aujourd’hui plus vécue comme «un mal administratif», et chacun, je crois, en ressent l’utilité à son niveau. De mon côté, j’essaie d’avoir une vision systémique, semestre après semestre, de la perception du processus par les métiers. Tomber dans une forme de routine serait le risque absolu.

Disposez-vous d’autres moyens d’alerte au sein du groupe?

Nous disposons également d’un «Observatoire de l’air du temps» (OAT). En effet, une personne passe ses journées à lire et analyser les media, à surfer sur internet pour repérer ce qu’on appelle «les signaux faibles». Ce sont les risques qui pourraient avoir un impact sur nos activités. Par ce biais, nous avions pu anticiper la constitutionnalisation du principe de précaution, la montée en puissance des «class actions». Signalons aussi la cellule de veille sur les risques (CVR), qui anime de façon transverse plusieurs dizaines d’experts de l’entreprise, agissant comme autant de «whistleblowers», lanceurs d’alerte sur tous sujets.

Et quels sont vos «signaux forts»?

Dans le domaine de l’environnement, l’entrée en vigueur du règlement Reach, par exemple, va sans doute modifier un certain nombre de réflexes. La loi sur l’eau de décembre 2006, également. Ce qui est sûr, c’est qu’EDF ne peut construire son développement sans prendre en compte l’environnement. Les règles du jeu évoluent.

USA: les hedge funds, une reconversion très prisée pour les ex-ministres

Quel est le point commun entre les trois derniers secrétaires américains au Trésor, l'ex-secrétaire d'Etat Madeleine Albright et l'ancien Premier ministre espagnol Jose Maria Aznar?
Tous ont été recrutés par de puissants fonds d'investissement privés depuis leur départ du gouvernement, quand ils n'ont pas, comme Mme Albright, ouvert leur propre fonds: Albright Capital Management.

Les hedge funds sont des fonds spécialisés dans les placements à très haut risque et rentables à court terme, et les inquiétudes grandissent sur les risques d'une crise généralisée en cas de défaillance de l'un ou plusieurs d'entre eux. Ils suscitent des inquiétudes grandissantes qui font planer la menace d'un durcissement de la législation, très minimale, qui réglemente leur activité. Dans cette optique, recruter un ancien ministre au carnet d'adresses bien rempli a des avantages indéniables pour les fonds d'investissement.

Les trois derniers secrétaires américains au Trésor ont tous été recrutés par des fonds d'investissement: John Snow chez Cerberus Capital Management (où il a rejoint l'ancien vice-président Dan Quayle), Lawrence Summers chez D.E. Shaw, et Paul O'Neill chez Blackstone en tant que conseiller.
AFP 9 juin 2007

Les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 37% en dix ans (rapport)

- Les dépenses militaires mondiales ont progressé de 37% en dix ans, atteignant 1.204 milliards de dollars en 2006, selon le rapport annuel de l'Institut international de recherche pour la paix à Stockholm (SIPRI). Par rapport à 2005, le montant total a augmenté de 3,5% l'année dernière, et de 37% comparé à 1997.

Les dépenses militaires des Etats-Unis se sont élevées à 528,7 milliards de dollars (395,8 milliards d'euros) en 2006, c'est à dire 46% de l'ensemble des dépenses militaires dans le monde, loin devant tous les autres pays.

Derrière les Etat-Unis arrivent la Grande-Bretagne, la France, la Chine et le Japon, qui ont chacun compté pour 4 à 5% des dépenses militaires mondiales l'année dernière. Les quinze pays en tête ont dépensé 83% du budget global.
Source: AFP, 11 juin 2007

11 juin, 2007

Le textile chinois prêt à déferler de nouveau sur l'UE

Deux ans après la réintroduction des quotas sur le textile chinois, instauré le 10 juin 2005 par l'Union européenne (UE), les exportations vers les vingt-sept Etats membres ont connu un sérieux coup de frein. Elles avaient augmenté de 47 % en 2005, dans le secteur de l'habillement. Elles ont "seulement" progressé de 11 % en 2006.


Ces contingents, qui portent sur dix articles précis (robes, pantalons, tee-shirts...) - leurs volumes exportés ne peuvent excéder de 8 % à 12 % ceux atteints au cours des douze mois précédents - ont donc pleinement joué leur rôle : contenir l'invasion de produits chinois après un premier démantèlement des quotas qui était survenu le 1er janvier 2005. A cette époque, les industriels du textile et de l'habillement, et plusieurs pays, dont la France et l'Italie, avaient réclamé la réinstauration temporaire de quotas face à cette déferlante.

Cet accord signé entre Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, et son homologue chinois Bo Xilai a conduit donneurs d'ordres et distributeurs à se fournir dans d'autres pays d'Asie. " Ils n'ont plus mis leurs oeufs dans le même panier", résume François-Marie Grau, délégué adjoint de l'Union française des industries de l'habillement (UFIH).

Les donneurs d'ordres ont en effet ouvert des usines dans différents pays afin d'éviter de dépendre d'un seul Etat qui serait confronté à une crise politique, voire à une épidémie. Et cette stratégie de diversification du "sourcing" leur a permis, aussi, de mieux valoriser les savoir-faire des différents pays.

Du coup, si les exportations asiatiques vers l'UE continuent de progresser au même rythme (+ 17 % en 2005, + 16 % en 2006), elles se ventilent de façon différente à l'intérieur de la zone. Les grands gagnants des importations françaises en 2006 ont donc été le Vietnam (+ 58 %) ou encore Hongkong (+ 47 %, contre - 13 % en 2005). Certains donneurs d'ordres ont même effectué "un détournement de quotas" en continuant à produire en Chine continentale, mais en se servant d'Hongkong comme base d'exportation, la ville n'étant pas concernée par les contingents.

"Finalement, la baisse des exportations chinoises a été largement compensée par les autres pays d'Asie", commente Gildas Minvielle, responsable de l'Observatoire économique à l'Institut français de la mode (IFM), qui parle de "système de vase communicant".

"UN SURSIS" POUR LE MAGHREB

Dans le même temps, les quotas chinois ont permis d'épargner les fournisseurs traditionnels de l'UE, comme les pays du pourtour méditerranéen ou d'Europe de l'Est, qui ont regagné quelques parts de marché. Le Maroc a vu ses exportations d'habillement passer de - 7 % en 2005 à + 5 % en 2006. Celles de l'Egypte ont explosé, de - 3 % à + 14 %. Idem dans les Balkans : les exportations bulgares, qui progressaient de 2 % en 2005, ont bondi de 11 % en 2006.

"Ces quotas nous ont permis d'avoir un répit, une sorte de sursis pour mieux évoluer", constate Néjib Karafi, directeur général du Centre technique du textile de Tunisie. Les pays du Maghreb en ont profité pour faire plus de valeur ajoutée en promouvant par exemple le textile technique ou en créant des collections plus haut de gamme. "Nous ne voulons pas seulement être de simples sous-traitants, ajoute M. Karafi. Nous avons dû monter en gamme en confectionnant des articles avec une forte valeur ajoutée."

Pour contrer la déferlante asiatique, ils ont, entre autre, développé le "fast-fashion", qui permet de répondre rapidement aux changements de tendance de la mode, en produisant notamment de petites séries. Par ailleurs, selon la Fédération du prêt-à-porter féminin, le Maroc et la Tunisie ont tiré partie ces derniers mois "du retour en vogue du jean".

Mais ces quotas, selon M. Grau, ont fait aussi prendre conscience aux Chinois "à quel point leurs productions étaient trop bas de gamme". Xiaoguang Liu, responsable de la Chambre de commerce de la province du Jiangsu, explique ainsi que "certains fabricants chinois prennent des mesures pour créer leurs propres collections". "Ils font un pas de plus en investissant sur des technologies de pointe afin d'améliorer leurs produits, réagir et coller aux attentes des marchés internationaux", ajoute-t-il.

Aussi, malgré la réinstauration des quotas, les importations françaises en provenance de Chine ont dépassé en 2006, pour la première fois, le milliard d'euros (+ 10,2% par rapport à 2005), alors que les volumes, eux, étaient en baisse (- 3 %).

Mais les donneurs d'ordres anticipent déjà la fin des quotas, qui seront démantelés le 1er janvier 2008. "Ils rebasculent une partie de leur approvisionnement en Chine", constate M. Minvielle. Les importations françaises en provenance de Chine ont déjà progressé respectivement de 46 % et de 43 % en janvier et février par rapport aux mêmes mois de 2006.

"On observe une recomposition en Asie", explique M. Minvielle. En effet, les autres pays d'Asie qui, hier, voyaient leurs exportations vers la France s'envoler, sont aujourd'hui en perte de vitesse. La Thaïlande (- 13 %), l'Indonésie (- 23 %) ou encore le Vietnam (- 6 %) sont les principales victimes de ce retour de balancier.
Le Monde, 10 juin 2007

Le fondateur de l'entreprise Jallatte se suicide

Pierre Jallatte, le fondateur de l'entreprise gardoise du même nom, dont la menace de délocalisation le désespérait, s'est suicidé, vendredi 8 juin, dans sa maison de Nîmes d'un coup de carabine dans la tête.

L'ancien patron retraité, âgé de 88 ans, n'a pas laissé d'explication à son geste. La préfecture du Gard a affirmé n'avoir aucun élément particulier sur le lien éventuel avec les problèmes de son ancienne société. Pourtant, à l'usine de Saint-Hyppolyte-du-Fort, plusieurs amis de l'ancien patron ont rapporté qu'il déclarait vouloir mourir avant d'avoir vu son usine fermée.

Son portrait et un drap noir ont été installés à l'entrée de l'usine de chaussures de sécurité à Saint-Hyppolyte-du-Fort, où des habitants de la commune sont venus lui rendre hommage. Lors de la manifestation contre la délocalisation programmée le 14 juin, à Alès, site de la seconde usine Jallatte, les salariés ont prévu de porter un brassard noir en signe de deuil, ont annoncé les syndicats.

"UN PATRON HUMAIN"

"L'acte de Pierre Jallatte est un acte courageux. C'est le geste d'un homme de grand charisme qui ne supportait pas l'échec. Ce geste, il l'a fait pour nous sauver car il ne supportait pas l'idée que le fric puisse gâcher des vies humaines, a déclaré Jean-François Anton, délégué CGT de l'usine. C'était un patron à l'ancienne, humain et juste, généreux aussi."

Le sort des deux sites de production n'est pas encore scellé car le groupe italien Jal, qui a annoncé fin mai son intention de les délocaliser en Tunisie, a accepté, vendredi 8 juin, alors que Pierre Jallatte mettait fin à ses jours, de remettre le projet à l'étude. Le groupe fait état de graves difficultés financières, mais les syndicats assurent que la production est rentable et que le volume des affaires est même en hausse.
Le Monde, 11 juin 2007

Les articles de souvenir des JO de Pékin fabriqués par des enfants


Les usines chinoises emploient des enfants et des ouvriers payés la moitié du salaire minimum pour produire à la chaîne sacs, casquettes et autres accessoires siglés aux couleurs des Jeux olympiques de 2008 à Pékin, selon un rapport de l'organisation PlayFair 2008, qui regroupe la Confédération syndicale internationale, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir et la campagne "Vêtements propres".


Au moment où les membres du Comité international olympique (CIO) se réunissent à Londres pour faire le point sur les JO de 2012, le document, intitulé "Pas de médaille pour les JO", indique que des enfants de 12 ans travaillent dans quatre usines produisant des accessoires pour les Jeux. Les ouvriers travaillent jusqu'à quinze heures par jour, sept jours sur sept.

DROITS DES TRAVAILLEURS BAFOUÉS

"Recours à la main-d'œuvre infantile", "salaires représentant la moitié du salaire minimum légal", "horaires à rallonge", travail "dans des conditions insalubres et dangereuses", "travailleurs obligés de mentir aux inspecteurs indépendants", "non-déclaration à la sécurité sociale", etc., le réquisitoire, concernant un pays connu pour sa main-d'œuvre bon marché, est sévère.

Les concessions de licence olympique devraient rapporter environ 70 millions de dollars pour les JO de Pékin, selon PlayFair 2008. Les entreprises accréditées versent en effet une redevance, dont le montant est directement dévolu à l'organisation des Jeux.
Le Monde, 11 juin 2007

08 juin, 2007

La croissance en question

Croissance,croissance, croissance ! Economistes, politiques, entrepreneurs, journalistes, tous n'ont que ce mot à l'esprit quand il s'agit de parler des solutions à apporter aux maux de la société. Souvent, ils oublient même que leur mot fétiche n'est qu'un moyen, et le posent en objectif absolu, qui vaudrait par lui-même.

Cette obsession, qui rassemble la droite et la gauche, est aveugle à l'ampleur de la crise écologique : changement climatique, mais aussi crise historique de la biodiversité et contamination chimique de l'environnement et des êtres. C'est que l'instrument qui sert de boussole aux responsables, le PIB (produit intérieur brut), est dangereusement défectueux : il n'inclut pas la dégradation de la biosphère. Cela signifie que nous contractons à l'égard de celle-ci une dette toujours croissante. La dérégulation émergente des grands écosystèmes planétaires est le prix de cette dette. Si rien ne change, les annuités ne vont plus cesser de s'en alourdir.

L'obsession de la croissance est aussi idéologique, car elle fait abstraction de tout contexte social. En fait, la croissance ne fait pas en soi reculer le chômage : " Entre 1978 et 2005, le PIB en France a connu une croissance de plus de 80 %, remarque Nicolas Ridoux dans le journal La Décroissance d'avril. Dans le même temps, non seulement le chômage n'a pas diminué, mais il a doublé, passant de 5 à 10 %. " Le Bureau international du travail et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement confirment : malgré une hausse du PIB mondial de 5 % par an, le chômage ne diminue pas. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale observent aussi que l'élévation du PIB ne fait pas reculer la pauvreté ni l'inégalité. En réalité, l'invocation permanente de la croissance est un moyen de ne pas remettre en cause l'inégalité extrême des revenus et des patrimoines, en faisant croire à chacun que son niveau de vie va s'améliorer.

Il y a urgence à réinterroger le sens et le contenu de cette obsession moderne. Une piste nouvelle est de viser la réduction des consommations matérielles, c'est-àdire des prélèvements que nous faisons sur les ressources naturelles. Un rapport du Parlement européen, présenté en mars par la députée Kartika Tamara Liotar, le propose : " Il convient de réduire par quatre, à l'horizon 2030, la consommation de ressources primaires non renouvelables dans l'Union européenne. "

Rares sont les politiques qui prennent conscience de l'urgence. Le 16 janvier, dans une conférence de presse à Paris, Alain Juppé déclarait : " C'est une autre croissance qu'il faut inventer, qui s'accompagne d'une décroissance des gaspillages, et nous avons besoin, dans un monde frappé par la pauvreté et les inégalités, d'une croissance moins consommatrice des énergies et des ressources non renouvelables, une croissance respectueuse des équilibres naturels, une croissance qui s'accompagne d'autres modalités de consommation et de production. " Très beaux mots. Qu'il faut faire vivre, Monsieur le Ministre.
Le Monde, 30 mai 2007

07 juin, 2007

Nucléaire : le casse-tête du démantèlement

Neuf centrales françaises sont arrêtées mais pas déconstruites. Le Conseil d'État a stoppé hier le démantèlement de Brennilis.

IL EST plus rapide de s'engager dans la troisième génération du nucléaire (l'EPR à Flamanville) que de démanteler une vieille centrale nucléaire arrêtée depuis plus de vingt ans. C'est ce qui arrive au site de Brennilis, dans le Finistère : hier, le Conseil d'État a annulé le décret gouvernemental du 9 février 2006 autorisant la déconstruction complète de la seule centrale nucléaire implantée en Bretagne.

Mis en service en 1967, Brennilis, unique représentant en France de la filière à eau lourde, a alimenté la région en électricité jusqu'en 1985. Les opérations doivent en théorie durer jusqu'en 2018. Toutefois, après la décision du Conseil d'État, ce calendrier pourrait prendre du retard. Même si, depuis qu'un commissaire du gouvernement avait réclamé l'annulation de ce décret, une telle décision était attendue.

En l'occurrence, le Conseil d'État, saisi par l'association Sortir du nucléaire s'est appuyée sur « l'absence de mise à disposition d'une étude d'impact » des opérations de démantèlement. Autrement dit, une faille dans les procédures d'information qu'EDF va devoir combler. Quand ? L'opérateur historique le dira bientôt. Pour le moment, il se contente d'indiquer qu'il respectera scrupuleusement la décision du Conseil d'État.

Si le dossier est aussi sensible, c'est tout simplement parce que pas moins de neuf centrales nucléaires en France sont en déconstruction. Sur ces neuf sites, un seul, Chinon A1 (qui a fonctionné jusqu'en 1973) a aujourd'hui totalement bouclé le processus : la centrale abrite aujourd'hui un musée.

27 milliards d'euros provisionnés

Quant à Brennilis, il s'agit, parmi les huit centrales restantes, du seul site arrivé en phase de niveau 3. Celle-ci recouvre les différentes opérations de démantèlement total : à la fois le démontage, le conditionnement et l'évacuation du bâtiment réacteur et des matériaux et équipement encore radioactifs. Au terme de cette phase, le site peut être réutilisé.

Pour sa part, le niveau 2 (démantèlement partiel) sert en particulier à isoler et à mettre sous surveillance le réacteur. Quant au niveau 1, il s'agit d'une phase de mise à l'arrêt définitif : via notamment le déchargement du combustible.

Toutes ces opérations ont un prix : au 31 décembre 2006, EDF avait estimé à 2,1 milliards d'euros le coût total de la déconstruction de ces neuf centrales, hors opérations de retraitement du combustible. Une enveloppe destinée à croître puisque la fin de la prochaine décennie correspondra au début de la vague de remplacement des centrales actuelles, 19 en tout, soit 58 réacteurs. Celle de Fessenheim, en Alsace, aura précisément 40 ans en 2017.

Même si la durée de vie des réacteurs peut être prolongée au-delà, EDF a provisionné 27 milliards d'euros pour le démantèlement et le retraitement des déchets.

ENVELOPPE. Au 31 décembre 2006, EDF avait estimé à 2,1 milliards d'euros le coût total de la déconstruction de ces neuf centrales, hors opérations de retraitement du combustible.

Le Figaro 7 juin 2007

Knorr: 30 salariés alsaciens délocalisés en Pologne et en Allemagne



Une trentaine de salariés de Knorr (groupe Unilever) à Duppigheim (Bas-Rhin) se sont vu proposer des postes en Pologne et en Allemagne après la décision de fermeture de l'unité de recherche dans laquelle ils travaillent, a-t-on appris vendredi auprès de la direction et de source syndicale.
Les syndicats ont aussitôt réagi, dénonçant "une délocalisation aux conditions salariales polonaises", selon Léa Vaché, déléguée syndicale CGT.
"Les employés de ce service, des agents de maîtrise ou des cadres, gagnent en moyenne 2.500 euros par mois et ils risquent de se retrouver avec quelque chose comme 400 ou 500 euros", estime-t-elle.

"Ils ne veulent pas aller travailler dans ces conditions en Pologne. C'est quinze ans d'expertises qui vont être anéanties", a-t-elle regretté.
Le comité central d'entreprise (CCE) qui se tient actuellement et auquel assistent les représentants de la direction d'Unilever France, va examiner les modalités de ce projet, ajoute-t-elle.


Le projet, qui consiste à regrouper "les expertises autour de six pôles d'excellence en Europe afin d'obtenir une meilleure organisation", a été annoncé "en novembre dernier", tempère Sophie Jayet, directeur de la communication d'Unilever France.

"Il ne s'agit pas d'une délocalisation: nous restons dans une zone européenne" et les employés qui iront en Pologne se verront proposer "une prime d'intégration pendant trois ans ce qui leur permettra de conserver le même niveau de vie", a-t-elle ajouté. Interrogée par l'AFP, elle n'a pas pu confirmer qu'ils conserveraient leurs salaires français.

Au terme de ces trois années, "les salariés pourront décider s'ils restent", a-t-elle encore précisé, indiquant qu'ils pourront bénéficier "de nombreuses possibilités de mobilité" au sein du groupe.

"L'avenir de l'usine (de Duppingehim) n'est pas menacé", a encore indiqué Mme Jayet.
Le site de Duppigheim, spécialisé dans la production de soupes et de sauces, emploie environ 500 personnes réparties sur deux sites.
Source: AFP 1/6/7

Unilever

06 juin, 2007

De la prison ferme pour les repreneurs du papetier Job

Six dirigeants de l'entreprise Gecco, repreneur du papetier Job, poursuivis notamment pour banqueroute et détournement de fonds sociaux, ont été condamnés hier à des peines d'un an à trois mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Toulouse. Yossef Malka, gestionnaire de Gecco et PDG de Job après la reprise, et Patrick Feibelmann écopent des peines les plus lourdes : quatre ans de prison dont trois avec sursis. Ils devront également s'acquitter d'une amende de près de 1,6 million d'euros. L'homme d'affaires israélien Samuel Flatto Sharon a été relaxé. Le tribunal a par ailleurs jugé irrecevables les plaintes des salariés de Job qui dénonçaient « le pillage » de l'entreprise papetière après son achat par Gecco en 1995. Avant de fermer définitivement en 2001, Job qui connaissait des difficultés depuis plusieurs années, avait été acheté par Gecco à Vincent Bolloré en 1995.
Source: Les Echos 5/6/2007

04 juin, 2007

Des industriels reprochent à Bruxelles de ne pas les protéger contre le dumping

La démarche ne devrait pas rassurer Nicolas Sarkozy et les tenants d'une Europe plus "protectrice". Dix associations industrielles très exposées à la concurrence mondiale accusent Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, d'avoir discrètement assoupli la façon dont il gère les enquêtes antidumping, au détriment des entreprises européennes.


"Ces changements suscitent des difficultés croissantes pour obtenir le lancement de procédures, et, si elles sont lancées, des mesures significatives", dénoncent ces fédérations dans un courrier adressé le 29 mai à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne.

Parmi les signataires figurent les industriels de la chimie, des métaux, du coton, ou des minerais, qui considèrent que M. Mandelson et ses services trompent les Etats membres. Pour eux, cette nouvelle politique introduit "un biais anti-industriel, aux conséquences inacceptables" puisqu'elle facilite les exportations vers l'Union de produits très peu chers, vendus en deçà de leurs coûts de production dans les pays émergents.

"Les règles n'ont pas changé, ni la façon de les appliquer", se défend-on auprès de M. Mandelson. Ses services confirment toutefois les chiffres mis en avant par les dix associations industrielles. Aucune nouvelle enquête n'a été lancée depuis le début de l'année, après les 36 cas ouverts en 2006. "En moyenne, une trentaine de dossiers sont traités chaque année. On est dans la moyenne sur dix-huit mois", explique un proche du commissaire Mandelson.

EVENTUELLE RÉFORME

D'après les industriels, la Commission a modifié ses méthodes, avant même d'attendre l'issue des débats en cours à propos d'une éventuelle réforme des instruments de défenses commerciaux à la disposition des Vingt-Sept. Un sujet qui suscite une intense bataille de lobbying à Bruxelles.

Pour M. Mandelson, une telle refonte serait d'autant plus nécessaire que les Etats membres ont beaucoup de mal à se mettre d'accord pour imposer des sanctions antidumping, comme l'ont montré en 2006 les passes d'arme à propos des procédures engagées contre les chaussures chinoises et vietnamiennes. Parfois aussi, ce sont les industriels européens installés dans des pays émergents qui demandent à la Commission d'interrompre des enquêtes.

Les intentions prêtées à M. Mandelson, que certains ont d'abord soupçonné de vouloir démanteler le dispositif européen, mobilisent les capitales les plus soucieuses de protéger leurs industries. La France, l'Italie, l'Espagne mais aussi l'Allemagne ont fait savoir qu'il n'était pas question d'abandonner les procédures antidumping.

En face, les pays plus libéraux, comme le Royaume-Uni et la Suède, ont au contraire appuyé la démarche de M. Mandelson, afin, dans l'intérêt des consommateurs, de tirer les prix vers le bas.

La consultation menée entre décembre et mars a généré plus de 550 contributions de la part des Etats membres et des milieux d'affaire. D'éventuelles propositions ne sont pas annoncées avant l'automne. "S'il y a des changements, ils devraient être mineurs", dit-on déjà dans l'entourage de M. Mandelson... pour rassurer.

Le Monde, 4 juin 2007

Les ménages aisés, seuls bénéficiaires d'une réforme des droits de succession

En proposant d'exonérer de droits de succession 95 % des Français, une promesse réitérée, jeudi 24 mai, par le ministre des comptes publics, Nicolas Sarkozy avait plusieurs fois fait valoir, pendant la campagne présidentielle, que cette mesure concernait "les patrimoines petits et moyens". En réalité, du fait des abattements existants - un abattement global de 50 000 euros et des abattements individuels de 76 000 euros pour le conjoint survivant et de 50 000 euros par enfant -, les patrimoines petits et moyens sont déjà non imposables en France. Ce sont donc les patrimoines plus importants détenus par les ménages aisés - au sommet de la hiérarchie des revenus, 10 % d'entre eux détiennent 46 % du patrimoine - que vise le projet de M. Sarkozy.


Dans des statistiques de 2002, les dernières qui aient été rendues publiques, la direction générale des impôts (DGI) avait indiqué que 9 successions sur 10 entre conjoints et 8 successions sur 10 en ligne directe n'étaient pas imposables. Selon cette même source, le montant moyen net transmis était de 99 700 euros et, compte tenu de l'état de la législation, 100 000 euros, au minimum, peuvent être transmis en franchise d'impôt.

MAUVAISE PRESSE

La moitié des patrimoines transmis ne dépasse pas 50 000 euros, mais 10 % excèdent 550 000 euros, a précisé de son côté le député Sébastien Huyghe (UMP, Nord) dans son rapport sur le projet de loi de 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Le gouvernement est loin d'avoir ficelé les modalités précises de l'exonération, mais il travaille dans deux directions : la simplification des dispositifs existants et des incitations fiscales permettant d'accroître les donations entre vifs (226 573 en 2005) et de favoriser ainsi la circulation du patrimoine, l'âge moyen pour hériter étant de 52 ans.

Aujourd'hui, les donations bénéficient d'un abattement, renouvelable tous les six ans, de 50 000 euros par enfant et de 30 000 euros par petit-enfant. Un enfant peut recevoir tous les six ans et sans impôt 220 000 euros de ses parents et de ses quatre grands-parents. La réforme du droit des successions de 2006 a par ailleurs étendu la donation-partage aux petits-enfants et aux familles recomposées.

Malgré cela, l'impôt sur les successions a mauvaise presse : selon une enquête BVA réalisée en septembre 2006 et qu'a citée Guillaume Allègre dans la Lettre de l'OFCE du mardi 27 mars, intitulée Les inégalités en héritage, 69 % des Français sont favorables à sa suppression alors que seulement 37 % sont favorables à la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). "Le mode de taxation est complexe, les taux confiscatoires - jusqu'à 40 % en ligne directe, jusqu'à 50 % pour les pacsés et 60 % pour les gens non mariés et les célibataires sans enfants, les barèmes sont compliqués", estime Bernard Reynis, président du Conseil supérieur du notariat. Et ce, alors même que l'assurance-vie, beaucoup plus souple d'utilisation, permet de transmettre jusqu'à 152 500 euros par bénéficiaire pour des primes versées avant l'âge de 70 ans.

Pour autant, les droits de succession ont rapporté 7,338 milliards d'euros à l'Etat en 2005 et les droits de donation 1,428 milliard, contre 3,08 milliards pour l'ISF. Ils constituent donc une source de recettes importante, à laquelle il est difficile de toucher sans creuser le déficit.
Source: Le Monde 26 mai 2007