28 octobre, 2007

Allemagne: le délicat passage à l'âge adulte des industries vertes

Producteurs de biodiesel en détresse ou constructeurs d'éoliennes en perte de vitesse: en Allemagne, le secteur en plein boom des énergies vertes, peu à peu sevré des aides de l'Etat, vit un passage délicat à l'âge adulte économique.
Mardi 23 octobre, le fabricant de biodiesel Petrotec a annoncé brutalement qu'il cessait sa production jusqu'à la fin de l'année et mettait ses salariés au temps partiel car il n'arrive plus à "couvrir ses coûts."
Son patron Roger Böing accuse: "Le gouvernement va mettre la branche du biocarburant à terre avec sa politique à courte vue."
En cause: la fin programmée des privilèges fiscaux dont bénéficie le biodiesel en Allemagne.
Exempté de taxes depuis 2004, le biodiesel a vu ce privilège aboli à l'automne dernier. Et le gouvernement veut augmenter de 6 centimes par an les taxes sur le biodiesel pour rejoindre en 2012 le niveau d'imposition du diesel fossile.
Ce projet menace 100.00 emplois, s'alarme la Fédération des carburants verts (BBK), et de nombreuses fabriques plus ou moins artisanales de biodiesel, qui ont poussé comme des champignons en Allemagne grâce aux incitations fiscales.
Plus que dans les taxes, le problème réside pourtant dans des "capacités de production beaucoup trop élevées", selon Norbert Allnoch, directeur de l'institut de recherche spécialisé IWR.
"En 2007, les capacités de production de biodiesel en Allemagne devraient atteindre un niveau record de quelque 5,4 millions de tonnes", a-t-il dit à l'AFP. Pour des ventes d'entre 1,5 et 2 millions de tonnes seulement, selon des experts.
Pour absorber l'énorme surplus, M. Allnoch préconise de rendre le biodiesel à la pompe accessible aux véhicules particuliers. Il ne l'est que pour les poids lourds, les plus susceptibles d'aller faire le plein de l'autre côté de la frontière si les taxes augmentent.
Par ailleurs, le gouvernement allemand impose aux groupes pétroliers de mélanger 5% de biodiesel par litre de diesel écoulé: "trop peu" pour l'expert.
Autre souci: les critiques s'accumulent contre l'explosion des cultures destinées au biodiesel (maïs et colza), avec force engrais et pesticides selon des associations écologistes, et au détriment des cultures vivrières.
Le secteur de l'électricité éolienne aussi fait sa crise de croissance, face à un marché intérieur presque saturé.
L'Allemagne est championne du monde incontestée dans le domaine: 28% de l'énergie éolienne produite dans le monde l'est chez elle, tandis que 37% des éoliennes fabriquées dans le monde sortent des usines allemandes, selon une récente étude de la Deutsche Bank.
Si les exportations sont florissantes, la situation domestique est moins rose: les constructions d'éoliennes au premier semestre 2007 en Allemagne ont reculé de plus de 20%, indique à l'AFP un porte-parole de la Fédération du secteur (BWE).
Là aussi, le gouvernement est montré du doigt: "Avec les subventions qui baissent, les permis de construire toujours plus rares et nos coûts de production en hausse, cela n'est plus rentable d'installer des éoliennes", s'insurge le porte-parole du BWE.
Le ministère allemand de l'Environnement répond que l'Etat "n'a pas pour devoir de garantir les profits d'un secteur en plein boom", selon un porte-parole cité par la Berliner Zeitung.
"La dépendance aux subventions est un défi majeur pour la branche", confirme dans une étude Josef Auer, analyste de Deutsche Bank.
L'Allemagne subventionne à hauteur de 8,19 centimes maximum par kilowattheure produit chaque éolienne construite en 2007, mais ce montant va diminuer inexorablement.
"Il faut suspendre cette dégressivité", réclame le BWE, qui menace: "Si le gouvernement ne change pas ses plans, dans deux ans le marché intérieur allemand de l'éolien est mort."
AFP 25 octobre 2007

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