18 juin, 2007

L'affaire Danone-Wahaha illustre les risques des entreprises mixtes en Chine


Compagnies illicites, bénéfices clandestins, accusations de "tyrannie"...: le décor semble planté pour un thriller mais il sert en fait de fond à la dispute entre le géant français de l'alimentaire Danone et son partenaire chinois, illustrant les risques des affaires en Chine.
L'affaire Danone-Wahaha a vu les deux partenaires d'une florissante coentreprise sino-étrangère fondée en 1996 se déchirer sur la place publique ces dernières semaines.
Mais pour un exemple médiatisé, combien d'autres divorces acrimonieux de ces couples mixtes? Beaucoup, à en croire le milieu étranger des affaires.
"Nombre de sociétés ayant des partenaires chinois cherchent à en réduire l'influence. Pour moi d'ailleurs, il n'y a plus de raison de s'associer", dit l'Australien Mic Mittasch, plusieurs fois "divorcé" et aujourd'hui à la tête d'une entreprise 100% étrangère fabriquant des chaînes de production.
Danone aimerait bien lui aussi faire cavalier seul, et se séparer tout à fait de son turbulent compagnon, Zong Qinghou. Cet entrepreneur connu est délégué à l'Assemblée nationale populaire (Parlement) et président de Wahaha, premier du secteur des boissons en Chine.
Le français est allé jusqu'à entamer une action judiciaire, après avoir fait appel à la médiation d'un tribunal d'arbitrage à Stockholm. Plus d'un an auparavant, Danone avait sourcillé à la lecture des comptes de la société Danone-Wahaha, puis enquêté et découvert le pot-aux-roses: une série d'entreprises montées par Zong, ne figurant pas dans les comptes communs, mais exploitant le même filon et la même marque que la joint-venture. Et un manque à gagner aujourd'hui estimé à 100 millions de dollars.

ZongAu départ, Danone a cherché à négocier, faire revenir ces sociétés dans le giron de la coentreprise, avant que Zong brutalement ne médiatise leur différend, via des déclarations aux accents nationalistes dénonçant cette tentative "hostile" de rachat.
Depuis, à coups de citations de Mao Zedong, des employés ont serré les rangs derrière lui, laissant Danone dans une position inconfortable, rappelant les tribulations en Chine, entre 1995 et 2002, du financier Tim Clissold telles que racontées dans son ouvrage "Mr China/ Comment perdre 450 millions de dollars après avoir fait fortune à Wall Street".
Dans ces mémoires souvent drolatiques, l'ancien représentant en Chine du fonds d'investissement Asimco raconte ses combats avec une série de partenaires assez retors, utilisant l'argent étranger pour bâtir des concurrents, avant de se tourner vers les autorités chinoises en faisant vibrer la fibre nationaliste.
Les dissensions sino-étrangères n'en arrivent pas toujours à de telles extrémités mais restent souvent pénibles.
"Nos quatre ou cinq premières années ont été difficiles, avec un partenaire pour lequel la signature du contrat avait représenté l'ouverture des négociations", racontait il y a peu Anders Maltesen, le patron de Tianjin Alstom Hydro, une entreprise de turbines du groupe français Alstom.
Alstom s'est sorti de ce mauvais pas en rachetant la totalité de son usine.
Dans bien des domaines, la loi chinoise ne requiert plus que l'étranger ait un partenaire local, clause autrefois obligatoire et qui a permis aux sociétés chinoises d'accéder aux sources de financement qui leur faisaient défaut.
Alors pour Edward Smith, directeur du Beijing Consulting Group, l'ancien modèle d'implantation n'est plus intéressant: "Finalement une joint-venture c'est parfois plus de travail que de se monter seul", estime-t-il. D'autant "qu'on peut trouver aujourd'hui de bons cadres chinois pour vous aider" dans les méandres administratifs, légaux voire politiques.

AFP, 17 juin 2007

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