18 juin, 2007

"Avec la TVA sociale, il y a bien une perte de pouvoir d'achat"

Chat avec Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE.

coassak : Comment s'explique l'affirmation selon laquelle les prix ne grimperont pas malgré l'instauration d'une TVA (sociale !) supérieure ?

Xavier Timbeau : Si l'on fait une TVA sociale pure, c'est un schéma dans lequel on augmente d'un côté la TVA et de l'autre on baisse les cotisations sociales employeurs. Pour chaque milliard de recettes de TVA en plus, on abaisse le coût des entreprises d'autant.

Donc si tout se passe bien, d'un côté les prix de production baissent, et de l'autre côté les prix TTC compensent cette baisse des prix de production.

Cela n'est pas vrai pour les produits exportés, qui ne font que baisser, et pas vrai pour les produits importés, qui, eux, augmentent.

Donc l'affirmation selon laquelle la TVA sociale n'augmentera pas les prix est vraie si tout se passe bien et si on fait la moyenne entre le prix des produits importés et celui des produits exportés.

En revanche, la TVA sociale conduit bien à prendre du pouvoir d'achat au consommateur, car il va payer plus cher les produits importés, pour favoriser la compétitivité des entreprises. Du côté du consommateur, il y a bien une perte de pouvoir d'achat.

Asimov : En cas d'instauration de la TVA sociale, ne pensez-vous pas qu'il y a un risque que les entreprises, pour ne pas être accusées de favoriser l'inflation, ne la répercutent sur les produits en jouant sur la qualité ou la quantité, ce qui leur permettrait de donner l'illusion que les prix restent inchangés tout en conservant leurs marges ?


Xavier Timbeau : C'est un risque. Les entreprises ont tout un tas de stratégies pour manipuler leurs prix.

A cela, a priori, une remarque s'impose : si la concurrence est grande entre les entreprises, qu'elles jouent sur leurs prix ou sur la qualité des produits, la sanction du marché finit par arriver.

Donc en conclusion, ce phénomène est d'autant plus probable que les entreprises ont un pouvoir de marché, et en revanche, il est d'autant moins probable qu'elles sont exposées à une concurrence féroce.

Renault aujourd'hui aura beaucoup de mal à jouer de cet effet, car ses produits sont examinés dans toutes les dimensions, de la qualité et du prix.

Par contre, dans le secteur des télécoms, le pouvoir de marché est plus grand, donc la capacité de manipulation est aussi plus grande.

doudou : La TVA sociale est censée pénaliser les importations. L'Allemagne, notre plus grand partenaire européen, a mis en place cette TVA. Sait-on si nos exportations là-bas en ont pris un coup ? Et dans quelle mesure ? Peut-on alors penser que, petit à petit, si chaque pays met en place cette taxe, tous nos produits seront pénalisés ?

Xavier Timbeau : La TVA sociale joue comme une dévaluation, elle accroît la compétitivité.

Quand un pays la fait, il gagne en compétitivité, mais la contrepartie automatique, c'est que ses voisins perdent en compétitivité. C'est un jeu à somme nulle.

Donc c'est tout le débat autour de la TVA sociale : doit-on la faire parce que les Allemands l'ont fait, pour regagner la compétitivité qu'ils ont gagnée sur nous ?

Et les avantages de cette TVA sociale ne seront-ils pas perdus quand les Espagnols ou les Italiens feront pareil ?

Aujourd'hui, en tout cas, les effets sur le commerce extérieur sont tout à fait caractéristiques, puisque l'Allemagne a un commerce extérieur florissant, alors que la France, l'Espagne, l'Italie ont un commerce extérieur très dégradé.

On peut même montrer que l'Allemagne a perdu des parts de marché hors de la zone euro, subissant comme les autres l'appréciation de l'euro, mais qu'elle a gagné des parts de marché à l'intérieur de la zone euro.

Le Monde 7 juin 2007

Aucun commentaire: