18 juin, 2007

La police chinoise délivre 31 "esclaves" dans une briqueterie de la province du Shanxi

L'histoire aurait pu se passer dans la Grande-Bretagne du XIXe siècle. Mais elle a pour cadre la quatrième puissance économique mondiale actuelle, la Chine : en fin de semaine dernière, dans une briqueterie du village de Caosheng, dans la province du Shanxi, au sud-ouest de Pékin, 32 ouvriers-esclaves ont été délivrés par la police.

Depuis le début 2006, ils se levaient chaque matin à 5 heures, et ne terminaient jamais leur travail avant 1 heure le jour suivant. Après avoir été embauchés par le fils du secrétaire du Parti communiste local, propriétaire de l'usine, ces travailleurs migrants venus de différentes provinces de Chine se sont aperçus, trop tard, qu'ils étaient tombés dans un piège.

Ils dormaient par terre, sur un sol juste recouvert d'un peu de paille en hiver, où ils souffraient constamment du froid, dans des pièces sans chauffage et sans lumière. La nuit, leurs patrons-geôliers verrouillaient les portes du dortoir. Devant la porte, cinq hommes de main et un chien-loup veillaient.

BATTU À MORT

Pour toute nourriture, ils ne mangeaient que du "mantou", un pain chinois, et buvaient de l'eau froide. Pas de thé. Leur repas, ils devaient le finir en quinze minutes, sinon les sbires du patron les passaient à tabac.

Ces informations effarantes ont été révélées il y a quelques jours par le quotidien du Shanxi ; elles ont été reprises par la télévision nationale, l'agence de presse Chine nouvelle et quelques grands quotidiens dans un pays où, en dépit du contrôle sévère exercé sur la presse, de tels scandales ne peuvent plus totalement être passés sous silence, même dans le cas d'un secrétaire du Parti, à l'heure où la hiérarchie pékinoise clame haut et fort son souci de ne pas épargner les "ripoux" que le Parti a enfantés - ou éduqués en son sein... Le propriétaire de la briqueterie a été arrêté, et son père, secrétaire du Parti, mis en examen.

Le quotidien pékinois Les Nouvelles de Pékin avance que l'un des esclaves de la briqueterie aurait été battu à mort par un cerbère parce qu'il ne travaillait pas assez vite.

Les "ouvriers" ne disposaient évidemment de rien pour se laver, et ce journal, qui révèle souvent des faits divers illustrant les réalités sociales de la Chine contemporaine, écrit : "Lors de leur libération, la crasse sur leur peau était si épaisse qu'on aurait pu la gratter au couteau..."

Les médias en profitent aussi pour rappeler que, dans des zones reculées et pauvres de cette même province, une trentaine d'autres esclaves avaient été découverts en 2006, après qu'un des leurs eut réussi à s'enfuir. C'est ce qui a dû se passer pour que la police réussisse à franchir les portes du "bagne de Caosheng".
Bruno Philip, Le Monde 11 juin 2007

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