11 mai, 2007

La renaissance argentine trouble les Cassandre de l'économie

Le redressement spectaculaire de l'économie argentine, après une crise sans précédent en 2002, trouble les experts qui reconnaissent parfois leur erreur d'appréciation, sans toutefois céder à l'euphorie.

L'Argentine avec quatre années consécutives d'une croissance de son Produit intérieur brut (PIB) comprise entre 8% et 9%, après un recul de 10,9% en 2002, ne s'est jamais aussi bien porté. "Il faut remonter un siècle en arrière" pour retrouver les conditions favorables qu'elle connaît actuellement, a récemment souligné devant l'AFP l'ancien ministre de l'Economie Roberto Lavagna, artisan principal du redressement de son pays.

Pourtant, beaucoup d'économistes, argentins ou étrangers, se sont montrés prudents pour ne pas dire alarmistes sur les conditions de cette reprise. Printemps éphémère, pour les uns, ce rebond n'était rien d'autre que celui d'un "chat agonisant", dont le dernier sursaut, souvent spectaculaire, n'annonce rien d'autre que la mort, selon d'autres économistes plus imaginatifs. "Je ne dirai pas que la situation économique de l'Argentine soit bonne", disait encore en 2005 Gary Becker, prix Nobel d'Economie 1992 et disciple de Milton Friedman.

Le gouvernement argentin ne manque jamais de railler ces Cassandre, à l'instar du président Nestor Kirchner qui a une nouvelle fois dénoncé leurs errements supposés lors d'un discours récent devant le Parlement. "Entre ceux que les économistes nous ont annoncé et ce qui s'est réellement produit, il y a un gouffre", avait déclaré à cette occasion M. Kirchner.
Certains font aujourd'hui amende honorable, à l'instar par exemple de Juan-Luis Bour, économiste en chef auprès de la Fondation de recherches économiques latino-américaines (FIEL) à Buenos Aires. "Tabler en 2005 sur une baisse du prix des matières premières a constitué une erreur d'évaluation", a-t-il ainsi reconnu devant l'AFP.
En privé, certains diplomates européens, qui suivent l'économie argentine depuis Buenos Aires, font le même constat. "Nous nous sommes montrés trop pessimistes ces dernières années", a concédé l'un d'entre eux, interrogé par l'AFP. Et de reconnaître par exemple que la hausse du prix des matières premières, qui semble appelée à durer, favorise fortement des pays comme l'Argentine au fort potentiel agro-alimentaire.

On assiste aujourd'hui à une "inversion durable des termes de l'échange, peut-être structurelle" qui offre une grande marge de manoeuvre à l'Argentine, a ajouté ce diplomate ayant requis l'anonymat. L'Argentine est un grand exportateur de produits agricoles, et cette manne, particulièrement le soja lui a rapporté l'an dernier plus de 22 milliards de dollars, soit presque le double par rapport à 2002. Les perspectives pour les années à venir sont favorables, grâce par exemple à la montée en puissance des bio-carburants, à base de soja ou de maïs.

Pour autant, les économistes argentins refusent de céder à l'euphorie et avertissent précisement sur l'extrème dépendance de ce pays au contexte international. Certains, comme Orlando Ferreres, ancien vice-ministre de l'Economie, se montrent prudents sur le caractère durable de cette inversion des termes de l'échange et redoute les conséquences d'un ralentissement aux Etats-Unis, qui ne manquerait pas d'avoir un impact en Chine, principal acheteur du soja argentin.

Optimistes à court terme, ces économistes renouent avec la prudence quand il s'agit de faire des pronostics à plus long terme. "Je reste pessimiste sur la gouvernance (en Argentine) qui décourage les investissements", pourtant jugés indispensables pour consolider la croissance et calmer les tensions inflationistes, estime ainsi Juan-Luis Bour.
AFP, 10/5/2007

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