05 février, 2006

Substances chimiques : l'overdose

Le journaliste scientifique Frédéric Denhez, dans Les Pollutions invisibles, bat en brèche deux dogmes utilisés par ceux, industriels ou politiques, pour qui il reste urgent de ne rien faire : la « valeur seuil », c'est-à-dire la dose au-dessous de laquelle une molécule n'aurait pas d'effet, et le défaut de preuve irréfutable, souvent « interprété comme la preuve de l'absence de risque ». Il explique comment les scientifiques ont commencé à soupçonner la dangerosité de certains produits (mercure, plomb, cadmium, étain, dioxines, solvants, détergents, pesticides...) sur notre métabolisme.

Dans Les Empoisonneurs, Vincent Nouzille démonte à travers une enquête très fouillée les rouages qui sont à l'origine du scandale de l'amiante (60 000 à 100 000 morts attendus d'ici à 2030) : des industriels qui jouent la montre, des politiques plus attentifs aux risques économiques qu'aux alertes des toxicologues, et une interdiction tardive (en 1997) malgré des risques soupçonnés depuis près d'un siècle. Pour mieux nous faire comprendre ensuite que l'histoire se reproduit, avec les pesticides, les gaz d'échappement des moteurs Diesel, les dioxines émises par nos incinérateurs ou le formaldéhyde, substance classée cancérigène que l'on trouve dans des colles, des peintures, des encres, des cosmétiques, des produits d'entretien, des désodorisants d'intérieur ou le bois aggloméré des parquets et des meubles !

La France, en effet, est un cancre en matière de prévention, et les lobbys s'activent sans mal à freiner les initiatives gênant leurs affaires, comme le raconte André Aschieri dans Silence, on intoxique. Cet ancien député, à l'origine de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, dont il est vice-président, a vécu de l'intérieur les péripéties de cette institution. Créée par un vote du Parlement en 2000, mise sur les rails en 2002, elle n'est toujours pas dotée de moyens à la hauteur de ses objectifs.

Les trois auteurs placent de grands espoirs dans la directive Reach. Mais les lobbys de la chimie sont déjà parvenus à faire diminuer de 100 000 à 30 000 le nombre de substances concernées, et ont obtenu la suppression de l'obligation de remplacer les produits dangereux...

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