02 février, 2006

Mittal-Arcelor: le ballet des politiques

Depuis au moins 20 ans, les politiques au pouvoir privatisent, dérégulent, abaissent les barrières douanières, abandonnent toute politique industrielle nationale ou régionale et refusent finalement toute responsabilité sur la conduite de l'économie.

Pourtant, alors que le premier sidérurgiste mondial Mittal prétend racheter le numero 2 Arcelor, les politiques réapparaissent:

Le 27 janvier, le ministre français de l'économie, M. Breton, exprime sa « préoccupation » et affirme « suivre avec la plus grande attention le développement » du dossier. Gouverner, c'est plutôt anticiper... Deux jours après, il se déclarait même « très choqué » de l'absence de discussion préalable, et « très surpris de la façon de procéder qui ne correspond pas aux façons modernes ». Mais M. Breton connaît justement les façons modernes grâce à ses mandats de PDG de France Telecom et administrateur de Thomson, AXA, Bouygues Telecom, Dexia, Bull, La Poste, Orange. N'a t-il pas cautionné d'achat hostile? Et surtout, Arcelor est une société de droit luxembourgeois et l'Etat français n'en possède pas une seule action. Alors? La France n'a plus la voix au chapitre et, à cause de son attitude incohérente, risque de s'aliéner l'Etat indien.

L'Etat indien proteste d'ailleurs contre ces critiques: « le 1er février, l'Inde suit de près l'issue de l'offre d'achat d'Arcelor faite par Mittal Steel, les commentaires qu'elle inspire et les réactions du gouvernement français sur cette affaire », a déclaré le ministre indien. On se demande pourquoi: Mittal Steel est un holding enregistré aux Pays-Bas, pour des raisons d' « optimisation fiscale ». Lakshmi Mittal, qui en détient 87%, et dont la fortune est évaluée à 22 milliards d'euros (comparez au jackpot de l'euromillion) est le plus riche résident... britannique. Il habite à Londres, un pavillon d'environ 80 millions d'euros, et y paie ses impôts.

Le gouvernement britannique, qui n'a pourtant aucun intérêt public dans cet opération, monte au créneau pour défendre l'intérêt privé de M. Mittal, qui n'est même pas citoyen britannique. Le 2 février, son ministre du Commerce et de l'Industrie dénonce le protectionnisme de « certains de ses proches voisins européens »: « Il y a des partisans du protectionnisme parmi nos plus proches voisins européens. Les mesures visant à protéger certains secteurs industriels clés des OPA étrangères, là où il n'y a pas d'enjeu pour la sécurité nationale, sont vaines et vont même à l'encontre du but recherché », a-t-il déclaré. Sa réaction serait-elle liée aux largesses de M. Mittal envers son Parti? En 2002, M. Mittal a donné 150 000 euros au Parti Travailliste.

Le fin mot de l'histoire revient au ministre français. M. Thierry Breton a jugé jeudi que l'offre lancée par Mittal Steel sur Arcelor était en fait « la vie normale des affaires », et appelé « tout le monde à la raison ».

En ce qui nous concerne, nous apprenons que la sidérurgie n'est pas un secteur stratégique, car sinon la France devrait demander à M.Mittal de bien vouloir lui fournir de l'acier pour fabriquer des armes, que les gouvernements n'assument pas toujours les conséquences de leur politique, qu'ils peuvent parfois défendre des intérêts privés, et surtout que le concept du champion national est un mythe.

Régis Castellani

Mittal Steel
Arcelor

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