05 novembre, 2007

Malgré le pétrole, tout le Moyen-Orient se convertit à l'atome

La crainte d'une «bombe chiite» iranienne incite les pays arabes d'obédience sunnite à maîtriser le cycle nucléaire.

LE NUCLÉAIRE a le vent en poupe au Moyen-Orient. Longtemps restés passifs face au programme nucléaire israélien, qui date des années 50, les pays arabes ont été réveillés par les ambitions de l'Iran, soupçonné, depuis 2002, d'avoir un programme militaire secret. En l'espace de quelques mois, à l'instar de l'Égypte, de nombreux pays du monde arabo-musulman ont manifesté leur ferme intention de développer un programme nucléaire civil.

Pour tous ces pays, les besoins réels en énergie semblent à première vue justifier une telle évolution. La Jordanie du roi Abdallah II veut accélérer la mise en place d'un programme de production d'électricité, pour économiser des importations massives d'énergie. Le royaume hachémite, un des dix pays les plus pauvres en eau de la planète, importe 95 % de ses besoins énergétiques. Il entend inaugurer sa première centrale nucléaire d'ici à 2015, en espérant que cette nouvelle source d'énergie puisse satisfaire 30 % de sa consommation en 2030.

Les monarchies arabes du Golfe, le Yémen, la Libye du colonel Kadhafi, l'Algérie et le Maroc au Maghreb, mais aussi la Turquie, affichent la même résolution et négocient fiévreusement leur conversion au nucléaire avec des entreprises occidentales, sous le regard bienveillant de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Ces grandes manoeuvres dans le domaine nucléaire ont pourtant contribué à réveiller le spectre d'une prolifération rampante au Moyen-Orient. De nature intrinsèquement duale, la maîtrise du cycle de l'atome à des fins civiles permet aux États concernés d'acquérir un savoir-faire qui leur permettrait, s'ils le voulaient, de passer à des applications militaires, comme le montrent les précédents indien, pakistanais et nord-coréen.

Pires cauchemars

« Sur le fond, c'est (une décision) de nature politique et stratégique », confirme Jon Wolfsthal, expert en non-prolifération au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington. La crise autour du programme nucléaire iranien a convaincu les États arabo-musulmans d'obédience sunnite de prendre leurs précautions, face à l'avènement redouté d'une « bombe chiite ».

Ce regain d'intérêt pour le nucléaire a ainsi fait naître une sourde inquiétude chez les responsables occidentaux chargés de la lutte contre la prolifération. L'émergence d'un pouvoir islamiste dans un pays converti au nucléaire de fraîche date constitue l'un des pires cauchemars de Washington et de ses alliés depuis les attentats de septembre 2001.

Cette inquiétude va croissant depuis le raid mené le 6 septembre par Israël contre de mystérieuses installations syriennes. Le silence gêné observé par Tel-Aviv et les pays occidentaux répond à l'étrange embarras du régime syrien, qui n'a pas cru bon de hurler au scandale. Que cachait donc le désert syrien ? Un réacteur nucléaire d'inspiration nord-coréenne, sous maîtrise d'oeuvre des ingénieurs de Pyongyang ? Ou bien un lieu de stockage pour du matériel sensible en partance pour l'Iran ?

Dans les deux cas, l'étrange incident conforte les craintes des États arabes, et la prise de conscience de leur vulnérabilité, au coeur du dangereux bras de fer irano-américain.

Le Figaro - 31 octobre 2007 - Maurin PICARD

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