18 décembre, 2005

Un procès à Londres démonte le détournement des pétrodollars du Congo

L'affaire débute en février 2005 avec la vente d'une cargaison du tanker Nordic Hawk par la Cotrade, filiale de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), à la société Africa Oil and Gas Corporation (AOGC). Cette dernière revend le chargement à Sphynx Bermuda, qui le cède ensuite à Glencore.
Selon la Haute Cour, les contrats passés entre la Cotrade, AOGC et Sphynx Bermuda étaient factices et visaient à interposer des sociétés écrans entre la SNPC et Glencore. Le but ultime étant de dissocier l'Etat congolais de revenus que ses créanciers pourraient saisir.
Pour parvenir à ces conclusions, le juge Cooke a remonté l'histoire récente de l'industrie pétrolière du pays, en examinant le rôle de Denis Gokana.
Cet ancien salarié de la compagnie française Elf contribue à la création, en avril 1998, de la SNPC, dont il dirige la filiale britannique de 1999 à 2001.
Il crée ensuite à Londres, en 2002, Sphynx Bermuda, qui fournit ses conseils à la SNPC. En décembre, il revient au Congo régler un différend avec Total et devient à cette occasion le conseiller spécial du président Sassou Nguesso pour le pétrole.
En janvier 2003, Denis Gokana crée AOGC qui, jusqu'en avril 2005 et avec Sphynx Bermuda, vend 23 cargaisons de pétrole congolais, dont celle du Nordic Hawk, pour un total de 472 millions de dollars (393,2 M EUR).
Or, les relevés bancaires de Sphynx, obtenus par Kensington International, montrent que l'argent tiré des ventes de pétrole, à l'exception d'une seule, ne transitait pas par les Bermudes mais arrivait directement sur le compte bancaire de l'AOGC au Congo, dont les relevés n'ont pu être consultés par la justice britannique.
La Haute Cour en a conclu que M. Gokana avait toujours agi pour le compte du Congo et non comme dirigeant de sociétés indépendantes. Il est d'ailleurs devenu en janvier le directeur général de la SNPC.
Le juge Cooke, sans en avoir la preuve, n'a pas exclu que le montage financier ait permis un enrichissement personnel de M. Gokana et de dirigeants congolais, comme l'affirmait l'ONG Global Witness dans un rapport récent.
Cet aspect fait l'objet d'une autre plainte déposée à New York par Kensington, à l'encontre de la SNPC, de son ancien patron Bruno Jean-Richard Itoua, actuel ministre congolais de l'Energie, et de la banque française BNP-Paribas. Cette action est intentée dans le cadre du Racketeer and Corrupt Organizations Act, adopté par le Congrès américain en 1970 pour lutter contre la mafia.
AAFP, 15/12/2005

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