16 mars, 2007

Les « fonds vautours » multiplient les attaques contre les pays pauvres


Alors que vient de s'ouvrir le procès de la Zambie, les procédures judiciaires lancées par des fonds contre les pays pauvres se multiplient à un moment où ces pays commencent à sortir de la spirale du surendettement.

C'est un procès hautement symbolique qui vient de s'ouvrir à Londres, celui d'un « fonds vautour » contre l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, la Zambie. Nommé « Donegal International », ce fonds d'investissement est qualifié de ce nom d'oiseau de proie parce qu'il s'est spécialisé, comme les autres fonds de son espèce, dans le rachat, à très bas prix, de créances sur des Etats pauvres. Une opération réalisée en vue d'obtenir, devant les tribunaux, le remboursement de l'intégralité de ces dettes majorées de lourdes pénalités.

En 1999, Donegal, qui est immatriculé dans les îles Vierges britanniques, a ainsi acheté auprès de la Roumanie une créance évaluée à 30 millions de dollars sur la Zambie, alors insolvable, pour 3,2 millions de dollars. Il poursuit maintenant l'Etat africain devant un tribunal britannique en réclamant son remboursement pour... plus de 55 millions de dollars. Ce montant, correspond à la valeur faciale de la créance à laquelle a été ajoutée d'importantes pénalités. Mais il s'agit d'une somme énorme pour la Zambie, qui sort tout juste d'une situation de surendettement.

Le 15 février, la Haute Cour de justice de Londres a toutefois donné partiellement raison à Donegal, estimant qu'il devait être dédommagé, mais pas pour ce montant, rejetant les pénalités réclamées. La somme que la Zambie devra payer sera déterminée lors d'une audience, qui devrait se tenir entre les 24 et 26 avril. Ce procès illustre de manière éclatante la stratégie des fonds vautours qui menacent les pays les plus pauvres. Inquiétant, ce phénomène s'est accentué au cours des dernières années.

Les procès contre les pays pauvres se multiplient. Onze pays sont la cible de 44 procès intentés par des créanciers privés, pour l'essentiel des fonds vautours, qui réclament 1,9 milliard de dollars au total, d'après le Fonds monétaire international (FMI), qui évoque pour la première fois le sujet dans un rapport.

Les plus grosses sommes sont demandées à la République du Congo - avec 900 millions de dollars de dédommagements réclamés -, au Cameroun (347 millions de dollars) et au Nicaragua (276 millions de dollars). Les montants exigés sont souvent très importants pour ces pays : ils représentent 15,3 % du PIB dans le cas du Congo, par exemple. Or, les créanciers gagnent souvent leur procès, note le FMI.

Sur 44 procès en cours, 26 ont été, pour le moment, remportés contre 7 pays, pour un total de 1 milliard de dollars. A la plus grande satisfaction des fonds vautours. Une fois validée leur créance par la justice, ils peuvent faire saisir les actifs de leur débiteur, dans tous les pays du monde.

Mais pourquoi ces structures opaques, souvent installées dans les paradis fiscaux, multiplient-elles leurs attaques depuis quelques années ? C'est justement parce que les pays les plus pauvres commencent à sortir la tête de l'eau. Après des années de surendettement, ils redeviennent solvables, notamment grâce au programme d'annulation de dette pour les pays pauvres très endettés mis en place par la communauté internationale (lire l'encadré). Un programme qui a permis à la Zambie de redevenir solvable en avril 2005. Dans ce contexte, les fonds vautours, tel Donegal, ont la perspective d'être remboursés, de gagner de l'argent, ce qui leur donne des ailes.
Des députés américains mobilisés

Mais, sous l'effet de leurs attaques, les proies perdent une partie de l'argent auquel elles ont accès. « A cause des sommes réclamées par Donegal, la Zambie devra consacrer moins d'argent à la construction d'hôpitaux, ce qui est particulièrement choquant », souligne un porte-parole d'Oxfam.

Les fonds remettent ainsi en cause une partie des efforts des pays créanciers, dont la France, et leurs contribuables, en faveur des pays pauvres, en détournant une partie de l'aide dans leur poche. Au risque de déstabiliser la logique coopérative dans ce domaine. Que faire pour l'enrayer ?

Les associations humanitaires appellent les pays qui hébergent des fonds vautours, tels les Etats-Unis, à exercer des pressions sur ces entités. Des députés américains commencent à se mobiliser : John Conyers, qui préside le comité judiciaire du Congrès américain, songerait à mener une enquête sur le directeur de Donegal, Michael Sheehan, pour tentative de corruption contre la Zambie, au vu des conditions dans lesquelles il a négocié avec ce pays.

A plus long terme, « il faudrait modifier le droit des contrats pour tenir compte de l'exigence d'égalité de traitement entre les créanciers, qui n'est pas reconnue au plan international, ce qui permet aux fonds vautours de bénéficier de conditions exorbitantes par rapport aux autres créanciers », souligne Carolyn Pearce de Jubilee Debt Campaign, qui regroupe un ensemble d'associations, dont Oxfam.

Surtout, il faudrait que certains créanciers, comme la Roumanie, arrêtent de vendre leurs avoirs sur un pays pauvre comme la Zambie aux fonds vautours, alimentant ainsi ce marché sans foi ni loi.

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